Article thématique de Wilfrid RENAUD
Véritable phénomène au début des années 2000, qui propulsa Keanu Reeves au rang d’icône geek, qu'en est-il de la trilogie 20 ans après ? La mise en chantier d'un quatrième opus donne l'occasion de s'y pencher de nouveau, les spectateurs de l'époque se souviendront avec plaisir de la "séquence qui laisse bouche bée" liée à chaque épisode.
1999 / MATRIX d'Andy et Larry Wachowski
1999 / MATRIX d'Andy et Larry Wachowski
-----------------------------------
J'ai toujours pensé que le premier épisode se suffisait à lui-même et que les suites, aussi grandes que soient leur maestria, étaient superflues.
Lors de ce premier Matrix, la métaphore était bonne : une société sous contrôle, des humains exploités et des gardiens de la Matrice qui ressemblaient à des agents du gouvernement.
Le film a quand même pas mal perdu de sa superbe, les innovants effets spéciaux de l'époque, repris maintes fois jusque dans des parodies, se sont depuis encore améliorés et l'euphorie autour de Matrix est depuis longtemps retombée. Mais paradoxalement, il garde un statut de film culte dans le cœur des cinéphiles en étant un joli film de science-fiction bien torché.
La séquence qui laisse bouche bée : Néo, évitant les balles d'un des agents en se contorsionnant au ralenti et aux limites du possible.
Empruntant à l'univers cyberpunk et aux films asiatiques, mélange de fusillade et de Kung-Fu, le film joue pas mal sur l’esbroufe et le tape à l’œil mais livre une des visions du futur les plus terrifiantes et cauchemardesques que l'on ait pu voir au cinéma : quand Néo (Keanu Reeves) se réveille dans son sarcophage et découvre le champ humain récolté par les machines pour s'alimenter en électricité. Le choc est total, le malaise palpable et la raison défaille.
La Matrice est née en 1999, entre savoir-faire, phrases cultes et interprétations au diapason de cette histoire hallucinante, les Wachowski sont entrés dans la cour des grands et ont ouvert une voie royale à une franchise qui fait toujours office de référence.
2003/ MATRIX RELOADED d'Andy et Larry Wachowski
----------------------------------------
Difficile de faire une suite trois ans après sans donner l'impression de se répéter tout en gardant la même formule. Pourtant les frères Wachowski vont réussir leur pari.
D'une part en élargissant leur histoire, après la Matrice et les tunnels mystérieux, nous allons découvrir Sion, dernier bastion d'une humanité, nichée dans les profondeurs de la Terre avec une cité pas tout à fait high-tech mais pas mal automatisée, ce qui nous vaudra un petit cours de philosophie pour les Nuls, comme quoi, l'homme et les machines ont besoin l'un de l'autre pour survivre...
D'autre part, malgré une séquence d'ouverture où l'efficacité des deux frangins fait encore des étincelles, nous allons avoir droit à une descente au rayon ésotérique où il sera question de choix, de libre-arbitre et de leurre face à l'inéluctabilité du destin, lors d'une rencontre entre Néo et l'Architecte, concepteur de la Matrice... Anomalie du programme, l'Elu revient régulièrement au fil des décennies et Sion est anéanti à chaque fois pour un éternel recommencement.
Sisyphe n'a qu'à bien se tenir.
Partie un peu gonflante, vite oubliée, devant la maestria des séquences d'action qui gagnent en intensité.
Celles-ci, en effet, ne semblent avoir qu'un seul but : surpasser la précédente et elles trouveront leur point d'orgue dans la toujours bluffante séquence du freeway et son crash frontal hallucinant entre deux camions.
La séquence qui laisse bouche bée : Morpheus et le Maitre des clés sur le toit de la remorque d'un camion qui en percute un autre à pleine vitesse. Dans un ralenti à 360 °, le choc est entamé, la tôle se tord, les flammes apparaissent : les deux personnages sont voués à une mort certaine. Néo arrive comme une fusée, jouant à Superman pour l'occasion, et récupère au dernier moment les deux comparses pour les tirer hors de danger. Efficacité totale même après toutes ces années.
Les comédiens sont toujours au diapason de cette fresque futuriste, adoptant plus que jamais le look punk tendance SM et on retrouve avec plaisir notre très chic Lambert Wilson national dans deux séquences mémorables.
Le film se terminera à la manière d'une série TV à suspens, laissant le spectateur plein de questions qui vont malheureusement trouver une réponse balourde dans le troisième opus.
Le soufflé ne sera pas retombé mais à l'avoir trop laissé longtemps au four les deux frangins auront hélas cramé leur final.
Malgré tout, l'ensemble reste de bonne facture et contient son lot de séquences cultes comme le combat toute en virtuosité de Néo contre l'agent Smith et une cinquantaine de ses répliques qui ne semble pas avoir d'issue, les assaillants arrivant toujours plus nombreux au fil des minutes.
2003 MATRIX REVOLUTIONS d'Andy et Larry Wachowski
----------------------------------
Tourné en même temps que Matrix Reloaded pour des raisons budgétaires, ce troisième opus est celui que j'aime le moins, tout comme une majorité critique et public, moins à cause de sa fin tragique qui donne un coté amer à la victoire que par son ton balourd qui plombe pas mal l'ensemble.
Avec une séquence d'ouverture qui traine en longueur, les Wachowski donnent l'impression d'avoir appuyé sur le frein avec les deux pieds alors qu'ils avaient lancé leur locomotive à plein régime.
Néo, perdu sur un quai de gare sans issue, métaphore d'un lieu entre le réel et la Matrice, ne devra son salut qu'à ses amis, malgré un pouvoir grandissant et des capacités qu'il développe en dehors du monde virtuel.
Si l'Elu est encore au cœur de la thématique, le tout reste encore hasardeux et embrumé par les choix du héros. Plus guerrier, le film lors d'une longue séquence délaisse les combats au corps à corps pour une bataille aux portes de Sion où machines et humains vont s'affronter dans un combat dantesque. Si la maestria est de nouveau là, entre actes d'héroïsme désespéré et surpassement de soi, cristallisé par un jeune second couteau qui croit fermement en Néo, elle a en revanche un coté balourd qui plombe pas mal le film.
La séquence qui laisse bouche bée : Toute la séquence de l'attaque du quai, malgré un coté guerrier proche du jeu vidéo bête et méchant, impossible de ne pas saluer la maestria. Les sentinelles s'infiltrent comme des milliers de fourmis et se regroupent comme une seul entité pour forcer le barrage.
Le destin des deux protagonistes principaux sera de son coté plus tragique, puisque Néo deviendra aveugle lors d'un combat, ouvrant largement les bras au symbole du prophète, et Trinity, sa compagne depuis le début, périra lors d'un crash, empalée par des tiges d'acier, en tentant de les amener à la ville des machines. Entre prophète et martyres, les Wachowski, piochent ici généreusement dans la religion, faisant adopter à leur héros des positions christiques.
Le final quand à lui retombe dans des travers et une lourdeur pesante, où l'esbroufe se veut style et on sent un tirage à la ligne évident.
Matrix révolutions sera le dernier grand succès public des Wachowski. Leur film suivant Speed Racer (2006) sera un four, tout comme leur pourtant sublime Cloud Atlas (2012), coréalisé avec Tom Twyker, et Jupiter Ascending (2016) aura un succès mitigé.
Entre-temps, les Wachowski auront changé de sexe (Cherchez pas à comprendre, chacun fait ce qu'il veut), en devenant Lana en 2012 et Lilly en 2016, et se seront tournés vers la télévision avec la série Sense 8 (2015) qui a de très bons échos.
Un quatrième opus est en préparation, on peut se demander si c'est une bonne idée, vu que les reprises de franchises n'ont pas été des réussites et beaucoup de flops mais j'ai suffisamment confiance dans leur savoir-faire pour imaginer un nouvel éclat dans un monde cinématographique plutôt terne depuis le début de l'année.
Quoiqu'il en soit, la trilogie Matrix malgré ses hauts et ses bas et une fin plutôt en deçà des espérances, continue à rester une référence du genre, vingt ans après.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire