Bienvenue à la nouvelle chroniqueuse de ce blog. Écrivaine et illustratrice ayant étudiée à l'académie des Arts de Namur. Hé oui, encore une passionnée qui nous vient de Belgique après Jacques Coupienne.
Elle nous livre ici un "vieux" coup de cœur puisque le film date de 2018
Article de Frédérique Badoux
J’ai remarqué ce film en suivant de près la carrière de Timothy Chalamet après sa découverte dans « Interstellar », « Miss Steven » et « Call me by your name ». Ce jeune acteur à une telle présence à l’écran, il donne une telle portée aux personnages qu’il incarne, tout en sortant des stéréotypes hollywoodiens, que je suis tombée sous son charme.
Et avec « My beautiful boy », j’ai été complètement bluffée ! Ce film confirme le talent de Chalamet, mais m’a également fait découvrir Steve Carell, habituellement protagoniste de comédies américaines qui ne me font pas rire, dans un registre dramatique qu’il lui sied surprenamment très bien !
Je n’ai pas pus revoir « My beautiful boy » une seconde fois tout de suite, comme je le fais d’habitude pour mes coups de cœur : ce film me demande une bonne préparation émotionnelle, vu le sujet traité – l’addiction aux drogues dures – et pourtant, il ne succombe pas au sordide. Il touche juste, dans la transmission de son message, et c’est sans doute pour ça qu’il atteint le spectateur sensible, quoique l’absence de sensationnalisme provoque certaines critiques ; le film manquerait d’inspiration derrière la caméra. J’ai éprouvé tout le contraire !
Précisons en passant que le réalisateur est belge et que son style n’est pas hollywoodien, ce qui peut décevoir les attentes considérant la distribution, les maisons de production et le fait que l’histoire se déroule à San Francisco.
Nick Stef et Timothy Chalamet |
La chronologie du film n’est pas linéaire. Elle est fondée sur les ressentis du père, David Sheff, qui associe souvent la situation présente aux souvenirs. Le chevauchement de scènes de périodes différentes permet une immersion dans la nostalgie du père, nostalgie qui lui sert souvent de moteur pour chercher à comprendre à la fois la drogue et son fils, mais qui nourrit aussi son angoisse et son sentiment d’impuissance. Ce chevauchement crée également des intersections entre des mondes parallèles, le côté lumineux du fils rayonnant et épanoui et son côté obscur, dont le père n’avait même pas idée, la vie aisée de cette famille de la classe moyenne américaine et la plongée dans les recoins les plus noirs de la société, dont le père n’avait pas idée non plus.
La photographie joue avec les reflets dans les miroirs (personnages en réflexion, dans tous les sens du terme), avec les plans rapprochés ou larges et leur symbolisme, avec la lumières et les flous, pour un rendu contextuel et émotionnel rehaussant la narration.
On y rencontre les effets de la drogue et l’impact de l’addiction sur tous les membres de la famille : nervosité, angoisse, impuissance, abandon, euphorie, colère, moments de joie de vivre, solitude, confusion, questionnements…On y ressent surtout le sentiment de manque, autant celui du fils pour quelque chose que la drogue ne comble pas, que celui du père pour son fils qui lui échappe.
Question
adaptation, même si je n’ai pas lu les livres, on devine qu’elle est le fruit
d’une collaboration étroite entre auteur et réalisateur (et acteurs). Les
interviews de l’équipe lors de la première le démontrent également. Le film
donne à voir avec brio et en substance une histoire qui a duré près de dix ans
et une vingtaine de cures de désintoxication de plus !
La musique est réduite à des chansons ou des sons qui parfois font partie de la scène et se prolongent à la scène suivante dans cet esprit de chevauchement chronologique et émotionnel, mais sans provoquer de rupture de ton. L’absence d’une BO telle qu’on en a l’habitude, composée spécialement pour le film, convient très bien à ce genre de narration intimiste et introspective.Le titre du film est aussi celui d’une chanson de John Lennon, qu’on entend évidemment plusieurs fois. Notons les dix dernières minutes du film recouvertes par le Largo de la symphonie n°3 d’Henrick Górecki, à couper le souffle !
L’ambiance du film est très réussie, le ton est juste et constant, la narration cohérente et l’interprétation magnifique. « My Beautiful Boy » parle de la drogue sans « sortir les violons », malgré l’intensité de certaines scènes. Il évite l’écueil de la critique sociétale et contourne le problème du trafic. Il préfère nous plonger dans les questions existentielles individuelles sans nous y noyer, sans nous assommer de dialogues moralisateurs et sans nous infantiliser. Il donne à voir les incertitudes de la parentalité : quand lâcher prise et quand intervenir ? Et jusqu’où ? Quelle est la part de responsabilité des parents quand la vie d’un enfant tourne au tragique ?
Il parle surtout d’amour inconditionnel.
D’ailleurs, l’amour paternel de David Sheff pourrait sembler irréaliste, idéalisé, si on ne savait pas que « My Beautiful Boy » est une histoire vraie !
On peut déplorer quelques longueurs, mais du début à la fin, ce film ne présente pas un seul moment qui soit faux ou manqué.
Je ne suis pas férue de drame, au cinéma, mais ce film accroche une place dans mon top 10 !
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