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Ce blog est destiné à donner un avis sur des films récents. Cela permet de partager une passion commune que l'on n'a parfois pas le temps de faire à cause de nos emplois du temps (sur)chargés.

La crise sanitaire ayant eu raison des cinémas et des programmations, des films un peu antérieurs à 2020 peuvent être évoqués dans l'actualité.

Bonne visite
Wilfrid RENAUD

jeudi 16 décembre 2021

WEST SIDE STORY

Article de Frédérique BADOUX

J’étais plutôt sceptique à l’annonce d’un remake du grand classique, même si Spielberg est une valeur sûre. Pourquoi refaire ce qui est déjà grandiose ?

Quand je vois la daube qu’on a tiré de mon western adoré « Les sept mercenaires », de la même époque que West Side Story, à l’origine sur une musique originale de Bernstein (Elmer) inimitable...Mais j’étais curieuse, aussi, de voir comment maître Spielberg reforgerait ce matériau précieux.En sortant du cinéma, je marchais sur un nuage, l’âme comblée et le cœur débordant.

 

Tout d’abord, il ne s’agit pas d’un remake, de toute évidence, mais d’une nouvelle production, un peu comme la reprise d’une pièce de Broadway à Londres, l’interprétation d’une symphonie célèbre et bien aimée par un autre orchestre sous la baguette d’un nouveau chef, la direction d’un ballet dansé par une nouvelle troupe dirigé par un autre chorégraphe. L’œuvre d’origine est traitée avec beaucoup de respect, je dirais même avec vénération. Pas de remise au goût du jour, pas de torsion pour plaire au marketing d’un certain public, pas de fan service. Voilà qui nous fait des vacances !








Steven Spielberg s’est simplement fait plaisir. Mettre en scène une comédie musicale était un rêve qu’il couve depuis longtemps. Et quand Spielberg se fait plaisir, c’est nous qui jouissons. Il peut se permettre un tel caprice, il dispose des moyens financiers et de compétences à la hauteur du chef d’œuvre d’origine !

La musique est toujours celle de Bernstein (Léonard), intacte et sublime. Les paroles de Stephen Sondheim sont inchangées et toujours aussi poétiques que puissantes. La chorégraphie est fidèle à l’esprit du West Side Story de 1961. On reste dans les sixties. Pas besoin de transposer cette tragédie romantique intemporelle, ni d’altérer une narration dont le propos est curieusement actuel, à l’heure où l’identité nationale, l’immigration et la xénophobie sont sur les lèvres de nombres de politiciens. Avoir conservé l’époque renforce même le sujet parce que les similitudes nous frappent de plein fouet !

La petite touche LGBTQ est également très pertinente, tout en subtilité.

Même la scène des mauvais garçons, placée dans les locaux de la police de quartier, évoque les dédales de l’administration et la violence institutionnelle de la société d’hier comme d’aujourd’hui, les jeunes en décrochage étant trimbalés du commissariat au tribunal en passant par l’assistance sociale et l’évaluation psychiatrique. Les paroles de cette scène chantée sur le ton de l’ironie sont d’une telle justesse !

La griffe de maître Spielberg réside dans la relocalisation de certaines scènes, dans l’ordre des chansons, et ces choix sont tous judicieux, et surtout dans la manière de filmer !

L’œuvre d’origine était assez statique. Les caméras de l’époque étaient lourdes et fixes. Ici, Spielberg nous offre de danser et de virevolter avec les acteurs. Au lieu des plans fixes ou des traveling rectilignes d’antan, on survole les rues et les places, on rase les murs, on se précipite, on se cache, on plonge, on épie, on se jette dans la mêlée ou on s’en échappe... Plusieurs fois je me suis dit que Spielberg avaient dû mettre la caméra sur un drone télécommandé tellement elle est mobile. Les chorégraphies y gagnent en énergie et en expressivité, les scènes de dialogue (parlé ou chanté) en intimité ou en force, et les scènes dramatiques vous emportent littéralement.

Le directeur de la photographie, Janusz Kamiński, collaborateur attitré de Spielberg, a pris son pied ! Les textures, les couleurs, les ombres... Un seul mot me vient à l’esprit : transcendance !

Le décors du quartier en démolition me fait penser à la décrépitude d’une civilisation qui, au lieu de se questionner, d’adresser la causalité, va opérer un simple upgrade du système d’exploitation et reconstruire du neuf sur du vieux, espérant chasser les problèmes un peu plus loin, un peu plus tard, éparpillant ses victimes pour les neutraliser dans l’impuissance. On sent bien, à travers cette histoire du West Side, que les loubards sont des produits du système, et qu’ils le savent. Ils se débattent chacun à leur manière. 

 
 
Comme à son habitude, Spielberg ne nous dit rien. Il nous laisse le soin de philosopher sur ce qu’il nous donne à voir. Ou pas. C’est la qualité première d’un excellent narrateur.

J’avais craint, durant les premières minutes, que les nouveaux acteurs ne fassent pas le poids. Difficile d’égaler le charisme de George Chakiris (Bernardo en 1961)), le charme de Richard Beymer (Tony), l’énergie de Rita Moreno (Anita) – qui joue d’ailleurs le rôle de Valentina, dans la version de Spielberg, à la place de Doc.

Les personnalités sont ici plus mesurées, l’interprétation est moins intense, moins empruntée aussi, mais admirable et parfaitement dirigée. Ansel Elgort (Tony), qui sort de la même école d’art dramatique, même promo, que Timothée Chalamet, soit dit en passant, incarne très bien le jeune homme en pleine introspection, tiraillé entre ce qu’il veut devenir et le contexte social qui l’a forgé. Il chante et danse comme un pro.

Maria est toujours aussi douce et discrètement brillante. Elle fait penser à ces jeunes filles trop intelligentes pour leur milieu, incertaines de la manière dont elles doivent se comporter parce qu’en s’affirmant, elles risqueraient de brûler leur entourage. L’actrice Rachel Zegler a une voix d’ange !(dans la version d’origine, les acteurs étaient doublés pour les chants). De plus, le casting est authentique : les portoricains sont tous interprétés par des acteurs hispaniques, Spielberg y tenait.

Certains aspects sont trop soudains, à mon goût, ou trop banalisés, psychologiquement discordants : le coup de foudre (où sont l’éclair et le tonnerre ?), la (non)réaction de Maria à la mort de son frère... Mais on passe facilement là-dessus. À comparer avec un éventuel director’s cut...

Donc oui, on peut saluer l’initiative et se rassurer : cette version ne tue pas la précédente, elle rend hommage à la comédie musicale West Side Story avec tout le talent qui caractérise Steven Spielberg.

Je retournerai voir ce joyau la semaine prochaine, une ou deux fois au moins !

 





Article complémentaire de Johannes ROGER
Je dois bien avouer que je faisais parti des septiques quand au projet de faire un remake de « West Side Story », pourquoi refaire un film parfait en l’état ? Ce scepticisme fut balayé des les cinq premières minutes du film, giflant au passage le vieux cinéphile conservateur qui sommeillait en moi. L’introduction du film de Wise est iconique, une succession de plans aériens de New-York, un homme qui siffle une mélodie comme un signal de ralliement, et l’on plonge dans la guerre des gangs. Spielberg lui, ouvre son film sur un champ de ruine, des jeunes gens qui dansent sur un tas de gravats, un territoire où tout est déjà perdu. Idée de génie qui donne le ton des le départ et qui permet par la même occasion de faire table rase du passé. Cette version sera plus dure, plus violente, plus engagée. 
 
 
L’époque a changée, mais les problèmes sont les mêmes, ils se sont juste accentués. La mise en scène rend compte de cet état de fait à chaque plans, Spielberg n’ayant pas perdu sa passion pour le cinéma. Le film traite donc du racisme, mais aussi de la misère sociale et de la condition des femmes. Dans l’original la chanson « Somewhere - (There's A Place For Us) » était interprétée par le couple d’amoureux, se demandant s’il existait un endroit dans le monde où ils pourraient vivre leur idylle, dans cette nouvelle version c’est une dame âgée , d’origine portoricaine (Rita Moreno qui jouait Anita dans la première version) qui chante seule ce morceau, le texte prend donc un tout autre sens, et questionne la place des minorités dans l'Amérique actuelle. Dans la scène du balcon Wise situe ses personnages face à face d’office, Spielberg lui les sépare avec des barreaux, l’un est en dessous l’autre au dessus, inaccessible... Aider d’un simple mouvement de caméra et d’une acrobatie de l’acteur, les deux amants arrivent à vaincre les obstacles et chantent à l’unisson. C’est ce qui fait la différence entre un bon cinéaste et un grand cinéaste.
Ce constant décalage et une foi indéniable dans la puissance de la mise en scène, cette foi qui manque à la plupart des productions hollywoodiennes actuelles, fait du « West Side Story » de Spielberg une œuvre à part entière qui résonne profondément avec les problèmes de son temps. On peut ajouter à cela un casting de jeunes talents incroyables, qui chantent et parlent dans leur langues d’origine, et l’on obtient l’une des plus belle proposition de cinéma vue sur un grand écran ces dernières années. Hélas une bonne partie du public lui préfère le dernier Spiderman, réalisé par un tâcheron anonyme. Après l’échec du film de Ridley Scott, cela sonne peut être le glas, momentané on l’espère, des productions ambitieuses à Hollywood.
 
 

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