Article de Frédéric Serbource
Vingt-sixième film du MCU, "Les Éternels" arrive avec la lourde tâche de rattraper le démarrage assez laborieux de la Phase 4 après l'anecdotique"Black Widow" et un "Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux" certes agréablement dépaysant mais ne constituant qu'une simple variation efficace d'origin- story comme les canons habituels de Marvel ont l'habitude de nous en offrir. Après ces aventures finalement très axées vers la Terre et des séries TV se révélant somme toute plus intrigantes que ces dernières quant à leur influence sur la suite des événements de cet univers, l'arrivée en nombre du groupe des Éternels au sein du MCU marque une étape importante dans l'exploration de sa dimension cosmique et, avec Chloé Zhao, sa réalisatrice récemment oscarisée, accompagnée d'un casting prestigieux, on peut dire que le grand manitou Kevin Feige a mis les petits plats dans les grands pour nous signifier l'importance de cette nouvelle direction inspirée de l’œuvre de Jack Kirby dans la Phase 4.
Ce qui frappe d'emblée est le gigantisme inédit de l'histoire des Éternels qui s'inscrit dans une dimension mythologique où presque la totalité des autres super-héros n'ont fait qu'évoluer au simple rang de fourmis jusqu'à maintenant.
Évidemment, on avait entendu parler des Célestes ici et là dans la quête des Pierres de l'Infinité mais le film de Chloé Zhao est le premier à remonter jusqu'à la genèse du monde marvelien (en faisant, fait assez inédit, appel à une ouverture à la tonalité biblique sous forme de texte qui ne peut que rappeler une autre saga des étoiles) pour imposer avec brio ce statut de dieux parmi les hommes incarné par les Éternels, créations des Célestes envoyées sur Terre pour nous protéger des monstrueux Déviants et que nous découvrons dans le cœur de l'action 5000 ans avant J.C. en Mésopotamie avec en prime leur premier contact avec notre espèce.
Mais, plus encore, le gigantisme de leur histoire est aussi temporel par le caractère justement éternel de ces personnages, des êtres surpuissants, aux physiques figés, qui ont traversé les siècles jusqu'à ce que le groupe se disloque à travers le globe une fois leur mission menée à bien. Avec l'émergence de nouveaux Déviants, une large partie du film va bien entendu être consacrée à rassembler ce petit monde en vue d'une terrible bataille et, par là même, à nous faire revisiter par l'intermédiaire de flashbacks le très long passé des Éternels parmi les différentes civilisations de l'Histoire avec, dans son sillage, la naissance de leurs doutes, voire de profondes failles pour certains, face aux dilemmes moraux les plus tragiques de leur position commune vis-à-vis de l'Homme.
Car, si tout a beau être empreint d'une immensité d'univers et de temps chez ces Éternels, Chloé Zhao n'oublie pas de mettre au cœur de son film les conflits paradoxalement si humains de ses héros, leurs interrogations sur leur place dans ce monde sont à chaque fois le moteur du récit, les obligeant à une perpétuelle remise en cause devant des événements qui n'ont de cesse de redéfinir l'ordre que tous croyaient établi. Rarement un film Marvel aura laissé autant vivre un ensemble de personnages, à la fois individuellement et en groupe, en conjuguant leurs tourments à une aventure qui, de fait, engendre bon nombre de moments d'émotions plus sincères qu'à l'accoutumée.
Un gars qui rappelle quand même un certain homme d'acier et un des célèbres X-men |
Et c'est d'ailleurs sûrement là que le long-métrage de Chloé Zhao fait le plus entendre sa voix dissonante vis-à-vis des autres films du MCU dont il conserve pourtant beaucoup de codes comme les inévitables respirations humoristiques (avec un humour la plupart du temps plutôt efficace) ou la nécessité de délivrer du grand spectacle pour rassasier les yeux du public (si on peut regretter que certains affrontements soient nocturnes, et donc moins lisibles, reconnaissons que Chloé Zhao s'en sort étonnamment bien pour ses premiers pas sur ce terrain, notamment lors de l'acte final qui enchaîne les morceaux de bravoure chorals et individuels).
Comme les Éternels aux regards influencés par l'humanité au fil du temps, le film conserve une patte purement Marvel que l'on connaît aujourd'hui si bien mais, au contact d'une auteure qui a choisi de la compléter plutôt que d'y disparaître, il en devient une œuvre à part du MCU, où la nécessité de faire du spectacle s'accompagne d'une volonté d'y juxtaposer une âme à la hauteur de la condition si unique de ses héros.
Pour preuve, même si les scènes post-générique régalent une fois de plus nos attentes comicsiennes, elles apparaissent bien fades face à la qualité de ce qui a précédé. Et, punaise, cela faisait un bon moment que cela n'était pas arrivé dans un film Marvel ! Ces "Éternels" viennent décidément bousculer le MCU pour le meilleur.
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