Article de Johannes ROGER
En 1386, en Normandie, le chevalier Jean de Carrouges, de retour d'un voyage à Paris, retrouve son épouse, Marguerite de Thibouville. Celle-ci accuse l'écuyer Jacques le Gris, vieux rival du chevalier, de l'avoir violée. Le Gris se dit innocent. L'affaire remonte jusqu'aux roi Charles VI doit décider s'il y aura un « procès par le combat », selon le souhait du chevalier. Ce duel est censé déterminer la vérité. Si son mari est vaincu, Marguerite de Thibouville sera brûlée vive pour fausse accusation.
Par bien des aspects « Le dernier duel » possède pas mal de points communs avec le premier film de Ridley Scott « Les duellistes » à ceci près qu’on ajoute ici à ce combat de coq un point de vue féminin.
Raconté comme « Rashomon » de Kurosawa, le film se décline en trois chapitres, chacun d’eux livre la version d’un des protagonistes. Scott et ses scénaristes affirmant, par l’entremise d’un carton, que la dernière version, celle de Margueritte, est bien la vérité.
En effet les hommes ne sortent pas grandis de ce récit. Grossiers, arrogants, égoïstes, rustres et violents, dans ce monde les femmes n’ont qu’une place subalterne, tout juste servent-elles de monnaie d’échange entre gens de la noblesse. L’amour courtois y est un mythe, Jean chevauche sa femme comme un bœuf croyant lui donner du plaisir, Jacques prend ce qui lui semble dût par la force, pensant être dans son bon droit.
On voit bien que le film résonne avec des problématiques et des combats sociétaux très actuels, portés par la nouvelle vague féministe.
Scott avait déjà traités ces thèmes avec « Thelma et Louise », à 84 ans il n’a rien perdu de son acuité, ni de sa virtuosité sur la forme. Tout féministe qu’il est, le film reste aussi un grand spectacle viril par moment. Le duel final est même d’une violente sauvagerie.
Echec public injuste au Etats-Unis, échec relatif en France, on espère que ce revers ne sonnera pas le glas des grands projets ambitieux tournés pour le grand écran à Hollywood.
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est toujours très en forme le père Scott : reconstitution soignée, filmage ample et resserré quand il le faut, magnifique photographie, acteurs parfaits (à l'exception de Ben Affleck mais on en a l'habitude) et fond disons ... "Universel".
Bien sûr, comme c'est désormais la coutume, les nostalgiques d'un certain cinéma d'exploitation unidimensionnel et machiste vont critiquer ce qu'ils appelleront le côté "woke" du discours tout en oubliant - ou feignant d'oublier -que Scott a toujours placé la femme au centre de son œuvre (rappelons nous d' "Alien" ou de"Thelma et Louise" entre autres ...) et que Sir Ridley se montre ici tout sauf manichéiste dans son approche grâce à cette triple - et légèrement décalée à chaque fois - manière de présenter les événements qui ont amené à ce duel final ...
Superbe film !!
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