Article de Frédéric Serbource
Trente-sept ans après l'adaptation de Lynch, Denis Villeneuve est le nouvel Élu chargé de porter la complexité du titanesque univers SF de "Dune" à l'écran. Mais là où un film controversé n'avait pas suffit à convaincre tout le monde, Villeneuve lui a de plus grands plans : deux films pour conter le parcours de Paul, jeune héritier des Atréides, qui, dans cette première partie, va devoir se révéler, endurer les pires épreuves d'un terrible jeu de pouvoirs et, enfin, disparaître derrière le plus grand rôle dans lequel l'inscrit sa destinée.
La rigueur séculaire d'un système, n'ayant que pour but de chercher à perdurer en éliminant tout, qui l'entrave s'abat de façon implacable en se mariant avec le style de Villeneuve, figeant les personnages dans la froideur austère de leurs positions respectives où ils ne sont en réalité que des pions vivant ou mourant au bon vouloir de l'Empereur. Mais, dans cet environnement où les ténèbres cherchent à annihiler toute once d'humanité, celle-ci subsiste, s’égrenant sur le chemin de Paul pour le guider sur les pas de la prophétie qu'il a à accomplir, que ce soit au travers d'une mère partagée entre les désirs cachés de sa caste et l'amour pour son fils (magnifique scène du test où Rebecca Ferguson excelle à nous faire ressentir le déchirement de son personnage), du regard bienveillant d'un père, d'une amitié virile, de la souffrance d'une perte impardonnable, des visions d'une figure féminine et... de Paul lui-même, jeune homme rempli d'hésitations face à la stature que le destin cherche à lui faire embrasser (le choix de Timothée Chalamet pour l'interpréter est parfait). En cela, au-delà des épreuves qu'il doit subir et du côté spectaculaire qu'elles induisent au cours d'assauts belliqueux mémorables tout au long du film, "Dune : Part One" (car c'est bien son titre) se conclut judicieusement sur la plus fondamentale d'entre elles, celle par laquelle Paul doit abandonner celui qu'il était pour devenir celui qu'il est censé être, toute la symbolique que Villeneuve met un point d'honneur à traduire par l'image atteint ici sa quintessence dans ce "simple" affrontement final où la mort et les larmes versées (l'eau) ont une importance capitale, celle de conduire son héros -et nous avec- sur le commencement de ce qui sera sa véritable odyssée dans une deuxième partie dont on se prend déjà à rêver...
Article complémentaire de Wilfrid RENAUD
Inutile de revenir sur les qualités du film, je ne ferais que répéter en moins bien ce qu’a déjà dit Frederic Serbource dans l’article ci-dessus.
Si, une chose quand même, le film met en avant une
comédienne qui confirme, à chaque fois, le
potentiel qu’elle possède et tout le bien que je pense d’elle : Rebecca Fergusson. Découverte dans Mission Impossible : Rogue Nation (le
5ème opus), elle a joué depuis dans Life puis le 6ème volet de la franchise impossible, The greatest Showman ou Docteur Sleep pour ne citer que ceux
que j’ai vu, et ne cesse, avec cette première partie, de s’affirmer comme une des
comédiennes les plus douées de sa génération.
Quasiment sans rien changer à son
physique, elle arrive par son jeu d’actrice à faire oublier le personnage
précédent et faire corps avec celui qu'elle interprète. Rebecca Ferguson est un atout considérable dans Dune, qui s’est armé d’un
casting imparable, nécessaire à ce type d’œuvres où l'erreur peut-être fatale. (Le choix d'Hayden Christenssen dans la première trilogie Star-Wars).Rebecca Ferguson
Je tiens aussi à revenir aux origines du roman de Frank
Herbert. Publié à l'origine sous forme de deux publications dans le magazine Analog en 1963 puis 1964,
il a été le roman de science-fiction le plus vendu au monde. Dans les éditions
françaises, ce roman est quelquefois divisé en deux volumes (Dune I
et Dune II),
comme lors de sa première publication dans Analog. En 1966, le roman remporte le prix Hugo
qui récompense les meilleures œuvres de science-fiction ou de fantasy,
à égalité avec le roman Toi
l'immortel de Roger Zelazny. Frank Herbert écrira de nombreuses suites dont les enfants de Dune, créant un univers cohérent et étendu.
Dune brasse plusieurs thèmes, de l’écologie planétaire aux rivalités politiques et religieuses et ressort le rôle de l’Elu, cher aux grandes fresques littéraires et cinématographiques. Dune, c’était un peu Games of Throne avant l’heure, mais situé dans l’espace et sur ses différentes planètes, au lieu d’un monde fantasy médiéval. Il n’est donc pas étonnant que l’on y retrouve des similitudes.
Autre point important au niveau idée et casting, le choix de Stellan Skarsgard pour interpréter le grand méchant du film : le Baron Harkonnen. Pourtant peu présent dans cette première partie, on sent bien la félonie et tout le coté répugnant du despote, donnant une nouvelle dimension à ce personnage emblématique de la saga. Le héros n'est souvent meilleur que lorsque le méchant est réussi. Objectif atteint ici.
Dune version 1984 de David Lynch |
Contrairement à des films comme Le seigneur des anneaux où tout avait été tourné à la suite, la crise du Covid et la frilosité légitime des producteurs avaient mis à frein aux ambitions autour de l’univers de Dune. Au vu, des recettes mondiales, plus de 75 millions de dollars à l’étranger, la suite est déjà quasiment sûre d’être tournée.
Reste à savoir les chiffres que le film fera aux USA mais aussi en Chine, nouveau poumon de la vie et la mort des franchises à succès, pour en être totalement certain.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire