Baz Lhurmann revient en grande forme avec un sujet en or : Elvis Presley. Paradoxalement, le film souffre de ces mêmes petits défauts qui font son charme, le début peine à s’installer avec un montage décousu, sous forme de conte où le narrateur, le Colonel Parker, va donner sa version de l’idole des jeunes des années 50. Puis le récit atteint sa vitesse de croisière à travers une série de scènes dont la tonicité et le savoir-faire enflamment les concerts et…la salle de cinéma. Les spectateurs tapent souvent du pied, même sans être spécialement fan du rocker. L’énergie et l’inventivité déployées sont exemplaires et on n’avait pas ressenti cela depuis « Rocketman », autre biopic vitaminé, tant et si bien que le film atteint même parfois un état de grâce inattendu.
Elvis Presley connait assez tôt le succès, grâce il faut l’avouer, au savoir-faire de son impresario le Colonel Parker. Elevé dans un quartier pauvre et exclusivement noir, il va se laisser happer par la culture afro-américaine et ses influences. Et si ses clinquants costumes de scène, qui nous apparaissent aujourd’hui démodés voire ringards, ont aussi fait partie de l’image qu’il s’est forgée, celui à la cagoule blanche n’aura jamais sa place dans sa garde-robe. Ses déhanchements provocateurs et torrides vont le faire temporairement tomber en disgrâce après des passages à la télévision, face à un sénateur trop conservateur et une Amérique trop puritaine qui ne supportent pas qu’un jeune blanc véhicule une attitude « négroïde ». Il adopte un temps un comportement et une image plus rangés, tout en ressentant qu’il fait fausse route.
La séquence lors du concert au Mississippi-Alabama Fair and Dairy Show, entouré par la garde nationale, où il fera redécouvrir le « vrai Elvis » le fait définitivement rentrer dans la légende du rock’n’roll. Le temps d’une chanson, il fait exploser son coté rebelle, sauvage, insoumis, marchant là où on lui interdit de marcher, quitte à créer une émeute et à se faire arrêter. Ce sera sans doute le point d’orgue du film, le rythme va s’étirer à travers les longues séquences à Las Vegas et ses passages à l’Hôtel International, cage dorée où s’il assiéra définitivement sa renommée, il ne pourra jamais réellement y échapper.
Dire qu’Austin Butler embrasse le rôle serait en dessous de la vérité. Il crève littéralement l’écran avec un magnétisme rare, montant largement sur la première place du podium devant les autres récents biopics incarnés par Rami Malek (Freddie Mercury) et Taron Egerton (Elton John). Ses performances scéniques font le show et le font bien, tout en dévoilant à la fois un jeune homme fragile, à l’amour fusionnel avec sa mère, qui doute et reste trop solitaire.
Face à lui, Tom Hanks livre lui aussi une prestation mémorable, qui rappelle celle de l’affreux médecin de « Cloud Atlas », avec le sournois colonel Parker, véritable sangsue financière, dont l’essorage de son poulain sera sa lucrative et principale activité durant des années. Leur combinaison fait parfois à penser à « La beauté du Diable », tant les accords avec le colonel, donnent le sentiment d’un pacte de sang irréversible où le jeune Elvis sera piégé quasiment toute sa vie. En même temps, on se dit qu’il n’aurait peut-être pas grimpé aussi haut sans lui malgré des choix de merchandising douteux. Baz Lhurmann a aussi la bonne idée de montrer l’impact qu’auront eu les assassinats de Martin Luther King et de Bobby Kennedy sur le chanteur qui souffrira de ne pas laisser éclater sa révolte comme il le souhaite.
Bien qu’ayant jamais réellement brillé au cinéma, où il rêvait de devenir aussi bon que James Dean, Elvis Presley fut une bête de scène indéniable, qui survivra aux nouvelles idoles telles que les Beatles, les Rolling Stones ou les Jackson Five. Sans doute partit trop tôt (42 ans), victime de boulimie et de son addiction à la drogue, l’image du jeune homme fragile que le colonel Parker a vu un soir « se transformer en super-héros », restera à jamais gravée dans l’histoire, dont l’influence continue longtemps après, de briller sur d’autres chanteurs.
Finalement Baz Lhurmann aura fait son film de super-héros : il s’appelait Elvis.
Parce que c'est mieux quand on est plusieurs à aimer le même film :
ARTICLE COMPLÉMENTAIRE de Frédérique BADOUX
Elvis Presley et sa musique m'ont toujours laissée de marbre. Ce n'est pas ma génération, pas mon style.
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