ARTICLE de Frédéric SERBOURCE.
Deux ans après avoir mêlé le passé et le présent de sa filmographie avec un "Glass" clivant, M. Night Shyamalan revient jouer avec le temps au cinéma mais, cette fois, au sein même d'un nouveau high-concept qui ne peut que vous avoir un minimum intrigué si vous êtes tombé sur son pitch ou sa bande-annonce. L'idée de cette plage où le temps semble être sorti de ses gonds pour défiler à toute vitesse n'a beau, cas rare, ne pas être directement sortie de la tête du réalisateur-scénariste (le mérite en revient à la B.D. "Château de sable" du duo franco-suisse Pierre-Oscar Lévy & Frederik Peeters), la manière dont il va s'en saisir pour faire vivre une plongée aux enfers inexorable à ses personnages va tenir de l'appropriation magistrale et bourrée d'idées qui vont n'avoir de cesse d'en amplifier l'engrenage cauchemardesque !
A priori, on pouvait légitimement se demander si les bandes-annonces n'en avaient pas trop dévoilé, gâchant les contours de la révélation du concept, mais c'était sans compter sur les nombreux facteurs d'étrangeté qui vont s'y annexer dès les premiers instants et laisser ainsi, au-delà même du postulat, la porte grande ouverte aux interrogations sur le contexte et la nature énigmatique de quelques protagonistes écartés volontairement de la lumière.
Puis, dès lors que le phénomène va se révéler à ses captifs (et à nous par la même occasion), "Old" va carrément adopter le rythme effréné de cette "fuite temporelle" en faisant proliférer une multitude de trouvailles en corrélation du caractère extraordinaire de cette survie chaotique, l'immersion au contact direct du crescendo inarrêtable de ses conséquences dévastatrices nous laissera tout aussi sonnés que ses victimes.
Non seulement certains détails capitaux préalablement exposés autour de la personnalité de ces héros de fortune vont être amenés à prendre une ampleur sidérante, rajoutant constamment des couches de bizarre à une situation qui ne tourne déjà plus rond depuis un moment (Shyamalan prend un malin plaisir à jouer sur la question des apparences usées par le temps... et, qui plus est, ici, drastiquement afin d'en révéler des parts monstrueuses insoupçonnées) mais la mise en scène, encore une fois virtuose de la part du cinéaste, va elle aussi chercher à traduire visuellement cette notion irréelle de temps en roue-libre en faisant par exemple appel à des travellings circulaires où l'espace de quelques secondes (qui n'est désormais plus lu comme tel) séparant l'apparition de deux personnages peut être à tout moment annonciateur d'une nouvelle catastrophe à l'image.
Tirant une intensité dingue de cette harmonie aussi anxiogène qu'impressionnante entre le fond et la forme, "Old" saura sans mal nous aspirer dans l'emballement permanent de la folie subie par ces personnages, quitte à nous faire avoir quelques cheveux blancs à leurs côtés. Pour les interpréter, la qualité du casting (à commencer par les enfants et leurs "suites") sera également un atout phare pour conserver la crédibilité de ce séjour estival en pleine "Quatrième Dimension" temporelle où Shyamalan passera lui-même une tête dans un rôle en forme de clin d'oeil bien pensé.
Au rang des petits défauts qui empêcheraient sûrement ce "Old" de rejoindre les sommets de la filmographie de Shyamalan, on pourrait relever quelques passages plus faibles en termes d'écriture, notamment lorsque les dialogues s'attardent sur l'intimité et la complexité voulue des rapports de son couple principal (Gael Garcia Bernal et Vicky Krieps), ils peinent à faire émerger une réelle d'émotion en cours de route alors que, pourtant, tout est disposé à faire naître ce petit supplément d'âme capable de définitivement nous terrasser dans la dernière partie (les instants autour du feu de camp nous laissent sur une séquence magnifique en ce sens). Plus en forme de révélation explicative que de retournement de situation grandiloquent, la fin du film pourrait aussi décevoir les aficionados des énormes twists inventés par le cinéaste dans le passé. Mais, outre le fait que cette conclusion reste très satisfaisante, même sacrément ironique dans sa manière de coller aux problèmes de notre époque (et ce n'est pas un hasard), ce serait vraiment bouder notre plaisir face à un film qui tient les promesses les plus alléchantes que laissaient augurer sa bande-annonce et, mieux, sait les accompagner d'une spirale de surprises hautement addictive qui ne faiblit pour ainsi dire jamais.
Ce n'est peut-être pas le plus grand mais "Old" est un excellent cru 2021 de la part de ce décidément très bon conteur que reste M. Night Shyamalan !
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