Article de Wilfrid RENAUD
Crise sanitaire oblige, l'actualité cinéma est malheureusement aussi décalée sur ce blog mais permet de découvrir, avec plus ou moins de bonheur, des longs métrages qui nous avaient jusqu'ici échappés.
Découverte tardive donc de ce film, datant de 2018, qui est un
petit bijou d’ironie royale. Il narre
la guerre de positions de deux cousines qui vont se disputer la place de
la favorite auprès de la reine Anne de Grande Bretagne dernière héritière de la
lignée des Stuart au début du 18è siècle, alors en guerre contre la France.
Déjà installée auprès de la reine, comme maîtresse de la garde-robe et gardienne de la bourse privée, la duchesse Sarah de Marlborough voit sa position menacée par l’arrivée de sa cousine Abigail Hill, femme instruite tombée en disgrâce suite à la ruine de son père.
Mais en soignant la goutte dont est victime la Reine, elle va peu à peu gagner ses faveurs…Malgré une cour essentiellement masculine, les deux femmes arrivent à tirer avec brio leur épingle du jeu, la duchesse de Marlborough (Rachel Weiz), déterminée et forte dit tout haut ses quatre vérités à une Reine trop dépendante d’elle. Celle-ci trouvera réconfort auprès de la douce Abigail (Emma Stone) sans se douter qu’elle a invité une autre louve dans la bergerie.
Le scénario s’éloignant volontairement de la réalité historique livre ici, un jeu de maitresse-esclaves sulfureux et pervers. Les favorites, n’hésitant pas à s’adonner au saphisme pour satisfaire l’ennui d’une reine qui n’a que faire des contraintes de la cour. Celle-ci souffre d’ailleurs de la perte de ses 17 enfants, entre grossesses avortées et morts en bas-âge, ayant reporté le souvenir de ses chérubins sur une ribambelle de lapins auxquels elle a attribué le nom de ses bébés disparus.
Olivia Coleman livre dans le rôle de la reine Anne, une prestation mémorable, facilement influençable, tantôt vulnérable, tantôt colérique et la plupart du temps déprimée. Récompensée aux Oscars, elle marque les esprits et les talents de Rachel Weiz et celui d’Emma Stone
viennent l’épauler pour une œuvre singulière.
Phrases assassines et coup bas seront le pain quotidien de ces deux favorites. Les scènes de tir au pigeon sont en ce sens une parfaite métaphore de leur affrontement sans pitié, qui verra l’évincement de la première au profit de la seconde.
Le contraste entre les femmes et les hommes est flagrant. Si celles-ci apparaissent le plus souvent naturelles, le maquillage et les coiffes de ces gentlemen sans complexes et cruels les rendent furieusement ridicules. Nicolas Hoult (aperçu dans les X-men) dans le rôle de Lord Harley livre ici une prestation remarquable de jeune loup aux dents longues, prêt à tout pour que les Whigs prennent la possession du Parlement.
Filmé en lumière naturelle, certaines scènes de nuit dans
le palais sont d’une beauté visuelle saisissante et la narration a un bon
rythme, évitant un académisme pompeux, avec une scène finale étonnamment amère.
Le tout est enrobé d’un humour mordant, parfois
surprenant pour un film d’époque ( il faut voir la duchesse de Marlborough menacer la
Reine en la prenant à la gorge), avec un trio d’actrice éclatant, triplement
réjouissant, où les querelles de cours permettent l’accession au pouvoir et aux
privilèges, summum de la réussite dans l’échelle sociale. Le réalisateur grec
Yórgos Lánthimosa montré une autre façon de filmer les intrigues de la cour et cela lui va plutôt bien.
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