Article de Frédéric SERBOURCE
Coup de pour ce premier long-métrage de Darius Marder, le scénariste de "The Place Beyond the Pines" !
D'abord, pour paraphraser Magritte et vu comme tous les panneaux semblent indiquer le contraire : ceci n'est pas un film sur le metal ! Il n'est ici qu'une composante essentielle de la vie de Ruben, un batteur passionné qui sillonne les États-Unis pour une tournée de petits concerts en compagnie de son âme-soeur et chanteuse Lou. Leur existence nomade est synonyme de refuge, l'harmonie amoureuse que Ruben et Lou y ont construit autour de leur art est devenue leur muraille face aux problèmes du monde extérieur et à leurs passés ombrageux (lui est un ex-toxicomane).
Un matin, sans crier gare, Ruben est victime d'une grave crise d'acouphènes. Ignorant le problème, il tente de faire bonne figure lors d'une nouvelle performance mais, rien n'y fait, sa perte d'audition prend des proportions de plus en plus alarmantes. Ruben devient sourd, fragilisant en un éclair tout ce sur quoi sa vie reposait jusqu'alors...
Je crois que j'ai rarement vu un film aussi immersif pour appréhender la question de la surdité, le travail sonore fourni pour nous faire ressentir l'espèce de vague de silence irrépressible qui emporte son héros est absolument brillant de bout en bout. Avec en sus le jeu exceptionnel de Riz Ahmed, "Sound of Metal" prend aux tripes, mais d'une telle force, on partage la souffrance de la perte de ce sens primordial conduisant de fait à un isolement auquel Ruben ne peut rien faire, sinon s'accrocher à quelques mirages encore lointains d'une possible opération onéreuse. Évidemment, le film ne s'arrête pas à cette épreuve en tant que telle, il la met en parallèle à un plus large spectre d'acceptation que son héros va devoir apprendre à dompter à des niveaux existentiels décisifs malgré ses résistances si humaines.
Quoiqu'il entreprenne pour amplifier son discours dans le silence environnant de Ruben, "Sound of Metal" touche sans cesse. Que ce soit au travers d'un dîner où le brouhaha des gestes de la langue des signes des convives rappellent une normalité dont Ruben est exclu faute de maîtriser ce mode de communication ou d'un échange avec en enfant où les mots sont soudain obsolètes pour se comprendre, le film fait quasiment mouche à chaque scène, amplifiant, construisant et rendant finalement inéluctable la prise de conscience du personnage. La dernière partie qui la mettra en scène en sera d'autant plus forte, nous laissant sur une formidable séquence finale, simple et incroyablement juste.
Cerise sur le gâteau : la présence -certes un peu en retrait- de la toujours génialissime Olivia Cooke, actrice dont la filmographie éclectique est invariablement la promesse de magnifiques surprises à découvrir. "Sound of Metal" en est clairement une nouvelle.
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