POURQUOI CE BLOG ?

Ce blog est destiné à donner un avis sur des films récents. Cela permet de partager une passion commune que l'on n'a parfois pas le temps de faire à cause de nos emplois du temps (sur)chargés.

La crise sanitaire ayant eu raison des cinémas et des programmations, des films un peu antérieurs à 2020 peuvent être évoqués dans l'actualité.

Bonne visite
Wilfrid RENAUD

lundi 9 décembre 2019

A COUTEAUX TIRES

Article de Frédéric Serbource

Pauvre Rian Johnson ! S'il ne s'était pas aventuré dans une galaxie très lointaine, le réalisateur de "Brick", "Looper" ou d'excellents épisodes de "Breaking Bad" ("La Mouche", c'était lui !) serait encore sur un petit nuage hollywoodien nourri par les applaudissements des spectateurs. Hélas, tout le reste de sa filmographie semble avoir depuis été balayé par ce fameux épisode VIII de "Star Wars" qui a tant divisé les fans de la saga. On ne reviendra pas dessus mais il est clair que Rian Johnson est devenu le bouc émissaire idéal des réfractaires à cette nouvelle trilogie et il suffit de voir le déferlement de haine suscité par la simple évocation de son nom sur les réseaux sociaux pour comprendre à quel point la réputation du réalisateur est désormais associée à ces "Derniers Jedis" tant clivants.
L'après-sabre lasers était une étape forcément attendue au tournant afin de réhabiliter Johnson dans les esprits, ce sera donc à cette partie de Cluedo grandeur nature de s'en charger. Et, bon sang, quelle partie pleine de surprises !
Bien loin de la lourdeur académique (et un brin égocentrique) du "Crime de l'Orient Express" de Kenneth Branagh ou de la récréation très oubliable "Murder Mystery" avec Adam Sandler, "À Couteaux Tirés" redonne enfin ses lettres de noblesse au genre du "whodunnit" rétro et a de très fortes chances de devenir la référence en la matière de ces dernières années !

 


Tout commence bien évidemment par un meurtre, celui de Harlem Thrombey (Christopher Plummer), auteur richissime et célèbre de romans policiers. Alors que la mort du vieil homme laisse penser à un suicide, le non moins renommé détective privé Benoit Blanc (Daniel Craig) s'associe aux enquêteurs de l'affaire dans le but d'interroger les membres de la famille du défunt à la veille de la lecture de son testament...

 
Manoir isolé dans la brume, un héritage faramineux, une liste de potentiels suspects qui ne cesse de s'allonger, un détective malin comme un "Poirot" de compétition... N'en jetez plus, Agatha Christie ferait un triple axel de bonheur devant une telle proposition ! D'autant plus que "À Couteaux Tirés" repose sur un scénario 100% original de Johnson qui va à la fois offrir une intrigue savamment élaborée de ses prémices à son dénouement et prendre un malin plaisir à déjouer les attentes des spectateurs les plus rompus à ce genre d'histoire.
En effet, citons juste pour exemple sa série d'interrogatoires introductive (dont il émane déjà un ton grinçant qui ne faiblira pour ainsi dire jamais) : en toute logique, le film aurait dû d'abord nous mettre dans la peau du détective pour nous laisser juges de la véracité des témoignages, mais non, à la place, nous voilà immédiatement dans la tête des différents suspects à découvrir leurs plus viles faces cachées pouvant conduire à la culpabilité de chacun. Ce ne sera que le hors-d'oeuvre de la malice constante d'un long-métrage s'amusant à nous balader entre la vérité et les faux-semblants avec une dextérité absolument irrésistible.





 
Bien entendu, la galerie de personnalités hautes en couleur s'entredéchirant sur la dépouille de leur aïeul et la distribution impressionnante d'acteurs pour les mettre en valeur ne seront pas étrangères à sa réussite (mention spéciale à la jolie Ana de Armas à la hauteur de ce qui est probablement son meilleur rôle). Et, comme emporté par une sorte d'assurance justifiée par la qualité de l'ensemble, Rian Johnson se permettra même au passage de dresser un portrait au vitriol très pertinent du milieu bourgeois américain où, à travers l'égoïsme opportuniste de chacun, se fera sentir les visions irréconciliables de toute une société.Peut-être que "À couteaux tirés" aurait gagné à être raboté de quelques longueurs, notamment sur son final un brin trop démonstratif en explications (le film n'est jamais meilleur que lorsqu'il fait appel à la mémoire du spectateur, comme son joli dernier mini-twist), mais ce n'est bien là que le seul point noir à relever dans une œuvre parfaitement maîtresse de ses multiples rebondissements et dans son habilité à les agencer pour maximiser l'effet de surprise.
Gageons qu'une proposition aussi solide et aboutie réhabilitera Rian Johnson auprès des plus déçus de son fait d'armes précédent, le bonhomme a incontestablement du talent et "À couteaux tirés" en est la meilleure preuve.

 

mardi 19 novembre 2019

ALITA : Battle Angel






Sorti depuis le 13 février 2019

Article de Wilfrid RENAUD
James Cameron en guise de producteur qui embauche Robert Rodriguez comme réalisateur pour adapter le manga « Gunnm » écrit et dessiné par Yukito Kishiro, voila une association inhabituelle. Pas spécialement attiré par la culture manga, mais intrigué par la bande-annonce, surtout le design du personnage principal et le coté cyberpunk de l’histoire, je fus agréablement surpris par la richesse qui se dégage de l’œuvre.
Les spécialistes du manga diront que c’est beaucoup plus violent, plus gore et seront sûrement déçu du rendu cinématographique.
Pour ma part,  j’y ai trouvé une grandeur d’âme dans sa philosophie et une générosité dans son spectacle qui ne transpiraient pas forcément à travers les bandes-annonces et qui du coup, permettent au film de se démarquer des blockbusters style Marvel devenus légions depuis une dizaine d’années.

Lorsqu’Alita ( Rose Salazar) se réveille sans aucun souvenir de qui elle est, dans un futur qu’elle ne reconnaît pas, elle est accueillie par Ido( Christopher Waltz), un médecin qui comprend que derrière ce corps de cyborg abandonné, se cache une jeune femme au passé extraordinaire. Ce n’est que lorsque les forces dangereuses et corrompues qui gèrent la ville d’Iron City se lancent à sa poursuite qu’Alita découvre la clé de son passé, elle a des capacités de combat uniques, que ceux qui détiennent le pouvoir veulent absolument maîtriser. Si elle réussit à leur échapper, elle pourrait sauver ses amis, sa famille, et le monde qu’elle a appris à aimer.
 
 
L’œuvre originale et par conséquence l’adaptation brassent large, condensant et synthétisant plusieurs histoires aussi bien littéraires que cinématographiques. Le départ m’a fait penser à Pinocchio de Carlo Collodi, avec cet inventeur qui essaye de créer une enfant-substitut de sa fille défunte, à l’instar de Gepetto qui rêvait lui d’un vrai petit garçon. (Bin non, Disney n’a pas créé la marionnette au nez qui pousse lorsqu’elle ment, elle est italienne au départ). Mais très vite, l’histoire s’oriente vers une femme guerrière amnésique tantôt naïve, tantôt impitoyable qui fera office de messie potentiel dans la ville exploitée d’Iron City. 
 
Car deux cités sont présentes dans ce monde post-apocalyptique situé au 26ème  siècle : Iron City, ville crasseuse faisant office de décharge, où se côtoie nouvelle et ancienne technologie (j’ai entraperçu, une lampe de bureau avec un bras articulé) qui fournit  à Zalem, une ville flottante à plusieurs milliers de mètres au dessus d’elle, sorte de terre promise pour les rêveurs d’Iron City, dont les habitants fournissent nourriture et matières premières. La lutte des classes est aussi bien au cœur de l’œuvre que la recherche d’identité, l’amour paternel et l’amour idéalisé dans le cœur des adolescents.
Car sous sa combativité extraordinaire qui donne lieu à des séquences d’actions impressionnantes, Alita a un cœur de jeune fille, aussi fragile que peut être résistante sa carapace cybernétique.  Sa relation avec Hugo (Keean Johnson) pourra sûrement faire sourire les plus cyniques mais l’innocence qui s’en dégage au premier abord contraste avec la violence et le coté pessimiste de certaines séquences.
D’ailleurs l’ensemble est plus malin qu’il n’en a l’air de manière générale, les personnages évoluent et quittent cette enveloppe que l’on croyait stéréotypée tant et si bien que le film embrasse le spectateur par sa générosité et la sincérité du propos.
Les séquences de Motorball, qui rappellent dans ses règles de jeu celles de Rollerball (1975- film de Norman Jewison) sont endiablées et font preuve d’une grande maestria.  Quand à l’éveil de l’héroïne, l’amnésique qui découvre ses origines, elle donne lieu à un lyrisme et une poésie qu’on n’attendait pas.
Le tout est magnifiquement emballé par Roberto Rodriguez, épaulé par la société d’effets spéciaux de James Cameron collaborant pour l’occasion à celle de Peter Jackson, et possède un casting solide : Christopher Waltz, Jennifer Connely, Mahershala Ali, Jackie Earle Haley, méconnaissable dans le rôle du cyborg Grewhiska. 

Jackie Earle Haley
Jackie Earle Haley, oui c'est bien le même. La magie du cinéma , m'ssieurs dames...
Mais celle qui emporte et porte le film est sans conteste Rose Salazar, petit bout de femme qui en a sous la semelle et qui arrive à exister à travers la motion-capture utilisée pour son personnage d’Alita. Sa palette d’émotion et de jeu laisse pantois. Sa mise en valeur en fait une héroïne plus humaine que les super-héroïnes, classe mannequin, que le cinéma nous a affublé ces derniers temps.
Le film ne serait sans doute pas ce qu’il est sans la BO de Tom Holkenbour (je la réécoute en écrivant ses lignes) qui donne le tempo et l’émotion supplémentaire pour un grand film de divertissement certes, mais avec un fond social et humain qu’Hollywood a de plus en plus de mal à faire.
Il me tarde de découvrir la suite et pourquoi pas, le manga….Et ça, vu mon cas, je peux vous assurer que c’est un exploit.
 









Article complémentaire de Johannes Roger

J’ai toujours eu de la sympathie pour Robert Rodriguez, sûrement pas un auteur, encore moins un génie mais un bon artisan talentueux, quand il est inspiré. Et il n’est jamais autant inspiré que quand il fait de la série B (El Mariachi, Planet Terror ou le très bis Desperado 2…).
Alita (adapté sur manga « Gunnm » de Yukito Kishiro) est son projet le plus ambitieux à ce jour. Pour se faire il bénéficie du patronage de James Cameron, un temps attaché à la réalisation. Le résultat est tout à fait honorable. Truffé de références évidentes, de Metropolis à Blade Runner en passant par Terminator ou District 9, Rodriguez ne se la joue pas auteur, il a l’élégance de connaître sa place. Pas de prétention donc malgré un budget confortable, mais des personnages bien brossés qui évoluent dans un univers cohérent et maîtrisé.
Alita quand à elle, héroïne à la fois naïve et redoutable, est jouée avec suffisamment de tact par Rosa Salazar pour la rendre attachante. Ca change en tout cas agréablement des top-models super héroïque type Wonder Woman.

lundi 4 novembre 2019

DOCTEUR SLEEP

Article de Frédéric Serbource
"Doctor Sleep" ou quand Mike Flanagan se donna la mission de réconcilier l'écrit et le cinéma...
Mike Flanagan, le réalisateur qui monte
Ce n'est un secret pour personne, Stephen King déteste cordialement l'adaptation de son roman "Shining" par Stanley Kubrick. Seulement, n'en déplaise à un des écrivains du genre les plus populaires de notre époque, c'est à jamais la version cinéma d'un des réalisateurs les plus connus au monde qui restera dans les mémoires (et non le plus qu'oubliable téléfilm de 1997 validée par King). Ainsi, on imagine sans mal l'embarras dans lequel s'est retrouvé Mike Flanagan lorsqu'il s'est attaqué au projet de porter sur grand écran la suite littéraire à succès "Doctor Sleep". Devait-il oui ou non éluder les images fortes du film restées dans toutes les têtes pour rebâtir les fondations nécessaires à la compréhension d'événements qui en sont en partie leurs conséquences ?

La facilité aurait été d'y faire référence seulement par des dialogues évoquant le passé de Danny Torrance mais Mike Flanagan n'est pas homme à choisir la solution la plus aisée quand il s'agit de partager au mieux les émotions indissociables de ce passé où le perfectionnisme visuel de Kubrick a pris une importance considérable dans leur ressenti. N'oublions pas que l'on parle ici d'un véritable petit génie contemporain de l'épouvante en puissance, alliant constamment ce registre à un aspect dramatique où les failles les plus profondes de ses personnages priment dans sa déjà passionnante filmographie. L'espèce de perfection atteinte par la première saison de la série "The Haunting..." en ce sens ne peut qu'en témoigner, de même que son précédent long-métrage, l'excellent "Jessie", une adaptation d'un King réputé justement inadaptable à cause de la représentation a priori impossible de l'introspection contrainte de son héroïne.
Et, encore une fois, Mike Flanagan a fait preuve d'une redoutable intelligence afin de concilier les points de vue de King et Kubrick en se posant dans un rôle de médiateur entre les deux. Impossible de gommer la symétrie marquante des plans de Kubrick, les décors si particuliers de l'hôtel Overlook, le visage de fou furieux de Nicholson, les yeux terrifiés de Shelley Duvall ou les "Redrum" répétés du petit Danny Llyod de l'imaginaire du spectateur ? Alors, tout cela ne sera pas ignoré mais réapproprié et ravivé pour nous immerger le plus possible dans l'esprit de son héros malmené par ce traumatisme d'enfance. Grâce à des plans iconiques revisités par le regard moderne de Flanagan (et des astuces qui, on l'imagine sans peine, diviseront), la réminiscence de ces images sur l'état émotionnel du Danny Torrance répondra en effet à l'impact qu'elles ont eu sur le public au fil des années et le conditionnera à éprouver le mal-être qui habite désormais le personnage. Mike Flanagan nous raconte bien évidemment un nouveau prolongement de cette histoire se basant avant tout sur l'écrit de King mais il n'omet jamais rien du lien ténu entre passé et présent et en tire une force incroyable où les maux de Danny Torrance et les choix visuels de Kubrick forment un tout sous la forme de souvenirs partagés en communion par le personnage et le spectateur. Quelle approche audacieuse pour conjuguer deux visions qui s'opposaient jusqu'alors ! D'ailleurs, même King, beau joueur, n'a pu que saluer le talent de Flanagan à cet égard, on ne le contredira pas.
Au-delà de ce choix remarquable qui prendra encore plus de sens dans une certaine partie du film (et qui, toutefois, en montrera également la limite, notamment lors de la séquence d'un face-à-face capital), "Doctor Sleep" avait aussi pour handicap de partir d'un roman certes honorable mais, reconnaissons-le, mineur au regard de son prédécesseur et de bon nombre d'oeuvres bien plus marquantes de King. L'élargissement de cette mythologie "Shining" passait néanmoins par des ramifications intéressantes (son incroyable antagoniste Rose The Hat ou une mise en lumière du Shining sous des perspectives inédites) mais, malgré la plaisante lecture qu'il représentait, l'ensemble se révélait moins indispensable que la puissance de l'histoire originale. Une fois de plus, on comptait sur l'instinct de Flanagan pour venir à bout de cette difficulté et élever le matériau d'origine à un niveau insoupçonné. Pari à nouveau relevé !
Même si "Doctor Sleep" version cinéma est sans doute trop long et n'évite parfois pas l'écueil de temporiser autour de son inéluctable affrontement final (il est même sans doute possible d'en deviner assez tôt la direction globale sans avoir lu le roman), son réalisateur va pourtant réussir l'exploit de rendre bien plus fort les mots de cette histoire par son sens virtuose de la mise en scène et sa capacité à nous plonger dans l'atmosphère troublante émanant de l'étrangeté des forces en présence. Cela commence par le Shining et la connexion qu'il induit entre les individus en ayant la connaissance, les passages "mentaux" du film (on ne peut en dire plus) frise constamment le génie par leur représentation, nous entraînant sans cesse avec eux dans des tableaux visuels où l'inventivité tutoye la fluidité pour nous faire ressentir le champ d'action d'un tel pouvoir et les connexions en dehors de toute réalité perceptible qu'il entraîne. Dans la mouvance de ces "contacts", Flanagan installe savamment les composantes de sa toile d'araignée où les personnages et les lieux s'entremêlent pour développer une tension de plus en plus oppressante en résonance de la future confrontation/épée de Damoclès qui plane sur eux. Aux palpitations grandissantes des premiers échanges des héros et de la menace qui les guette, la bande-son répond avec des chœurs comme aspirés à l'unisson des morts laissés cruellement sur la route du camp adverse. Tout est d'ailleurs fait pour que l'on soit nous-mêmes irrésistiblement aspirés au sein de ses enjeux, les interactions entre Abra (Kyliegh Curran) et Rose (Rebecca Ferguson, absolument géniale) ne cessent de monter en puissance avec leur lot de faux-semblants dont les personnages et, par ricochet, Flanagan usent avec une maîtrise ne pouvant qu'emporter l'adhésion.

La dernière partie ne pourra laisser indifférent par l'espèce de point culminant de la démarche de Flanagan qu'elle représente sur bien des formes, elle est à la fois la rencontre de deux époques et celle du cinéma et de l'écrit soudain fondus dans un moule cherchant à camoufler leurs spécificités respectives. Passons sur les artifices utilisés qui seront appréciés selon les goûts ou l'envie d'y croire de chacun, un défaut, peut-être le plus majeur du film, sera bien plus évident : le traitement de Danny Torrance. Comme on l'a explicité auparavant, le personnage sortait magnifié par la manière qu'avait Flanagan de nous faire renouer avec lui et, dans sa globalité, le film nous impliquera avec un certain brio dans sa remontée à la surface grâce à sa relation avec la petite Abra mais, arrivé dans le dernier acte, Danny semblera stagner et avoir un mal fou à vraiment exister comme si le cadre et les deux autres protagonistes à ses côtés prenaient les devants de lui. Son rôle sera bien évidemment déterminant quant à la résolution de l'ensemble mais, au-delà des conséquences inhérentes à l'intrigue, on aura l'impression que le sort intime du personnage en devient accessoire, l'artificialité (et la longueur) d'une scène que l'on évoquait déjà plus haut et dont la force supposée aurait dû exploser à l'écran ne lui auront hélas pas assez rendu justice sur la conclusion malgré une certaine insistance. C'est peut-être là le seul grand échec de Mike Flanagan en bout de course, nous faire avoir vis-à-vis de Danny Torrance le ressenti d'un simple instrument à toute cette histoire alors qu'il aurait dû en être le cœur jusqu'à son terme...
Cela dit, ne boudons pas notre plaisir devant ce qui est la meilleure adaptation d'un roman de Stephen King depuis... eh bien... "Jessie" de ce même Mike Flanagan. Ce dernier s'impose comme le cinéaste le plus doué actuellement pour saisir l'essence d'une histoire de King et la retransmettre avec sa patte personnelle à l'écran. Après tout, il fallait bien un génie en devenir pour en réconcilier deux autres installés en leurs domaines. Avec "Doctor Sleep", Mike Flanagan nous prouve encore un peu plus qu'il est bien parti pour les rejoindre dans leurs sommets...

Une Rose dans le labyrinthe

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Article complémentaire de Wilfrid RENAUD 
 
Attention ça spoile sévèrement les yeux

Difficile de rester objectif face à un film dont on a lu le roman initial, un mois avant sa sortie.
En état, n’en déplaise aux aficionados du Shining de Kubrick, Docteur Sleep est une bonne adaptation que je reverrais plus facilement plutôt que de me retaper l’auteurisante vision de Stanley (revu récemment) et qui me donne plus de nausées que la moquette de l’hôtel Overlook. Surtout quand Sir Kubrick l’accompagne d’une musique proche de la saturation et de son célèbre thème d’une poignée de notes au synthétiseur Bontempi.
Et je passe sur les gros plans des yeux effarés du gamin, sans doute victime lui aussi des mimiques d’un Nicholson en roue libre qui polluent tout son personnage. En me relisant bin, non je ne passe pas dessus en fait, fallait que ça sorte…
 


 Le plus effrayant que ce soit dans Shining (à gauche) ou Docteur Sleep (à droite)
c'est quand même la moquette de l'hôtel...


Après un premier instant de panique où j’entends de nouveau le dit-thème que je m’étais juré de ne plus m’infliger, je retrouve en grande partie ce qui faisait le charme du roman de Stephen King. Malgré des personnages secondaires, mais nécessaires pour approfondir les principaux, qui sont passés à la trappe, dont la fameuse grand-mère de la petite Abra qui permettait un twist final sur le lien entre Danny et Abra, le film repose aussi bien sur ses comédiens que l’ambiance créée par Mike Flanagan. Celui-ci a su retranscrire les éléments plus visuels du roman dans des scènes maitrisées où les projections astrales et affrontements mentaux  fascinent autant qu’ils donnent le vertige.
Coté casting, une bonne surprise avec Kyliegh Curran dans le rôle d’Abra, un Ewan mcGregor au diapason avec son personnage et surtout une impressionnante Rebecca Ferguson, découverte dans un opus de Mission Impossible (Rogue Nation) et qui ne cesse de confirmer l’intensité et la diversité de son jeu, rappelant furieusement Michelle Pfeiffer dans ses premiers rôles. Chef d’une bande de vampires new-age qui aspirent la « vapeur » par des enfants lorsqu’ils les torturent, leur apportant une longévité proche de l’immortalité, elle irradie par sa présence chacune de ses scènes. Panthère coiffée d’un gibus, son regard bleu transperce la nuit et la chair du spectateur. La combinaison actrice douée et réalisateur inspiré en fait une méchante charismatique mémorable.
 
Ayant aussi signé le scénario, le réalisateur Mike Flanagan réussi donc à concilier le roman de King et le film de Kubrick avec ce qui manquait le plus dans le Docteur Sleep version manuscrite : un retour à l’intérieur de l’hôtel Overlook où Danny affrontera ses anciens démons. Mais je rejoins Frédéric Serbource et son article au-dessus : ici dans son dénouement, le personnage de Danny n’est finalement pas au cœur du récit et c’est un peu dommage. Flanagan passe aussi à la trappe la superbe idée de King qui vers la fin, en seulement deux lignes, m’avait mis la larme à l’œil avec l’intervention du fantôme de Jack Torrance gagnant sa rédemption en aidant Danny et Abra. Du coup, je me dis que l’histoire idéale se situe dans un mix entre le film et le roman.
Quand on élève un peu son regard, on s’aperçoit que la thématique est mine de rien plus répandue quelle n’y parait. Le fameux Docteur Sleep est le surnom donné à Danny au début de l’histoire où, travaillant en tant que veilleur de nuit dans un hospice, son don lui permet de pratiquer une euthanasie mentale auprès des mourants qui ont peur de la Mort, leur apportant une sérénité avant leur dernier souffle. 

L’ange qui soulage face aux démons qui torturent. 
 
Cette thématique du Bien contre le Mal embrasse le genre fantastique de façon fascinante, surtout quand le coté impitoyable de la vieille Rose trouve son équivalent dans le caractère de la jeune Abra, démontrant que la limite n’est pas si claire que cela. Thème pas nouveau mais qui aurait mérité ici d'être approfondi.
Toutefois sous les codes surnaturels de l’histoire, Stephen King et Mike Flanagan n’ont pas oublié le coté humain: la paternité et la filiation sont  les autres facettes du film, Danny devenant un père de substitution pour Abra, plus protecteur que son propre père ne l’aura jamais été.
 
Une histoire et des personnages attachants pour un King moins mineur qu’il n’y paraît puisqu’il a réussi à désacraliser Shining sans lui porter préjudice. Et si chaque adaptation au cinéma possède ses défauts et ses qualités (j’accorde volontiers un bon point pour le coté anxiogène de la scène du labyrinthe chez Kubrick mais ça n’ira guère plus loin, ce n’est pas encore Noël…), il faut voir les deux histoires comme un tout.
Un tout hybride, certes, vu l’écart entre les approches des réalisateurs, les années séparant les tournages et les avancées technologiques d'un film à l'autre mais qui donne toutefois une dimension plutôt chouette à la famille Torrance, père & fils….et nièce…
J’avais prévenu au début que ça spoilait sévèrement les yeux…Fallait pas aller plus loin si vous n’aviez pas vu le film ni lu le roman.


Moi ils m'ont pris au casting parce que j'avais une tête de future victime..

samedi 19 octobre 2019

JOKER

Article de Wilfrid RENAUD
 La bande-annonce le laissait présager, ce Joker là serait différent de tout ce qu'on avait pu voir jusqu'à présent dans les films tirés de l'univers des Comics. Et son Lion d'or à la prestigieuse Mostra de Venise, épaulé par des critiques presse et spectateurs en grande partie dithyrambiques m'ont chauffé à blanc avant la vison du film.
Au final, je l'ai trouvé bon, même très bon par moments malgré quelques défauts dans son dénouement final. 
Le traitement est d'autant plus surprenant que le réalisateur avait auparavant été coupable du Very Bad Trip à l'humour décapant et qu'il change ici son fusil d'épaule tant et si bien que son film ressemble à parfois s'y méprendre à l'univers Scorsesien, notamment dans sa photographie et ses fulgurants pics de violences.
Un petit air de Taxi Driver
Arthur Fleck est un homme brisé et rejeté par ses pairs, on le suit durant les différentes étapes de sa folie qui vont le transformer en terrible Joker. Il serait réducteur de dire qu'un psychopathe réside dans chaque homme touché par les vicissitudes de l'existence. Arthur Fleck est déjà frappadingue dès le départ, après un séjour en asile, il suit un traitement, consulte régulièrement une psy sociale dans un bureau miteux qui annonce que les subventions dont il bénéficie sont aussi fragiles que sa santé mentale. 
Un rire incontrôlable s'empare de lui dans les moments de tension extrêmes et après la perte de son emploi de clown professionnel dans une société qui intervient chez les commerçants et les hôpitaux, il va basculer peu à peu vers sa vraie nature en s'apercevant à quel point il est isolé. Le point de non-retour sera atteint quand il apprendra que sa mère sur laquelle il veillait avec amour, lui à toujours menti sur ses origines. Enfant abandonné avant d'être adopté par une mère qui a aussi des troubles comportementaux, un individu sans racines ne peut se construire et par conséquence est enclin à détruire tout ce qui l'entoure.
Le triple meurtre de goldens boys dans le métro de Gotham alors qu'il portait son costume de clown va vite faire de lui l'emblème des plus démunis. C'est ici la deuxième et plus importante pour moi lecture de "Joker", film miroir d'une société malade où l'écart entre les classes sociales est si énorme que les plus pauvres se soulèvent avec l'arrivée de ce personnage qui prend de manière pernicieuse des allures de héros. La foule le copie et le banalise avec des masques de clowns grossiers avant de lâcher toute sa colère et sa frustration dans des actes de violence aux allures de guerre civile.
Plus ancré dans la réalité que Jack Nicholson et Heath Ledger, les deux interprètes précédents du personnage du Joker (Je ne compte pas Jared Leto qui a manifestement confondu avec le rôle de Marylin Manson), Joaquim Phoenix fait littéralement corps avec celui qui sera le redoutable adversaire de l'homme chauve souris. Physiquement sa transformation force le respect, kilos en moins, corps désarticulé, un coté gauche et boiteux chez Arthur Fleck avant que l'élégance et la souplesse de l'affreux jojo ne prenne le relais. Et un visage terrifiant.
 Un regard où tourbillonne une folie qui ne demande qu'à s'épanouir, un rire qui s'échappe comme de la vapeur d'une locomotive sous pression, l'homme devient en un battement de cil et un sourire dérangeant une véritable bombe à retardement.
C'est là que ça m'a un peu gêné: quand lors du talk-show télévisé, animé par le présentateur brillamment joué par Robert de Niro, entre son attitude et ses propos, on lui laisse autant de temps d'antenne sans que sa folie ne fasse tâche dans une émission humoristique. Mais le dénouement en sera radical et l'audimat en sera le premier ravi, déclenchant le chaos dans la ville de Gotham où l'anarchie deviendra l'étendard de toute une classe, trop longtemps victime du chômage, de la promiscuité et de l'abandon d'élus baignant dans le caviar. On y voit évidemment chez nous un rapprochement assez flagrant avec les événements qui ont eu lieu en France et un certain mouvement tout en jaune...Mais n'oublions pas que la lutte des classes n'a malheureusement pas de frontières.
Néanmoins ici, si les urnes ont perdu la confiance de la population, une fois l’insurrection probablement maîtrisée, ce leader malgré lui retournera en asile psychiatrique. Non sans que tout le chaos précédent n'ait eu des répercussions sur un certain jeune Bruce Wayne avec l'assassinat de ses parents...
Les pions sont placés et nul doute que si le fou parvient à faire une sortie, le chevalier noir pourra entrer en action sur l'échiquier de Gotham.

Malgré son coté noir et nihiliste, le film se permet des petites pointes d'humour et on se surprend, contrairement aux autres films où le Joker apparaissait, à avoir parfois de l'empathie pour ce fracassé de la vie marqué au fer rouge. Ce qui est un dérangeant tour de force surtout quand on le voit dans une ultime scène continuer sur sa lancée criminelle dans l'asile qui est censé le contenir. Mais la folie d'un homme est comme un fou-rire incontrôlable, une fois sortie on ne sait pas quand elle s'arrêtera.

 
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Lundi 14 octobre 2019

Article de Gaëtan Wildwood.

Le film, qui relate une histoire originale inédite sur grand écran, se focalise sur la figure emblématique de l’ennemi juré de Batman. Il brosse le portrait d’Arthur Fleck, un homme sans concession méprisé par la société. 

Joker où la magistrale interprétation de Joaquin Phoenix atteint ici des sommets, sombre, triste, noir comme Gotham, mélancolique, tortueuse comme est l'âme du Joker... Comme un opéra, la tension monte crescendo et on se demande, quand tout va exploser... Ce film est un chef-d'oeuvre où on est entrainé dans la folie progressive de ce pauvre homme qui rêve d'etre un artiste de stand up et qui va sombrer dans sa folie destructrice. 

Jouant souvent sur les codes de Scorsese, avec par exemple " Taxi Driver", " La Valse des Pantins" ou encore " Les nerfs à Vif", trois films avec un de Niro jouant ici un personnage très proche de son personnage de Rupert Pupkin de " La Valse des Pantins", Todd Phillips pourtant habitué aux comédies comme la saga " Very Bad Trip" étonne et offre un récit sombre et tragique, violent, parfois drôle, souvent délirant et toujours suffocant. Il s'éloigne surtout des habituelles adaptations de comics en créant une histoire originale autour du Joker, ennemi juré du Batman, non tirée d'une bande dessinée même si parfois on y retrouve des similitudes avec Alan Moore et son " Killing Joke".Néanmoins, Joker sort donc des sentiers battus aussi grâce à cela. Si on ajoute à tout ceci, une direction artistique superbe et une très belle musique, on obtient, dans cette année cinéma assez terne, l'un des meilleurs films de 2019. À l'opposé des super-héros clinquants, voilà une antithèse des Marvel et autres productions du genre ( d'ailleurs rigolo que Scorsese casse un peu la firme et que Philips s'est inspiré du réalisateur des Affranchis pour faire son film...), Joker livre le portrait d'un homme cassé par la société pour un grand film. Puissant, noir, violent, passionnant, le film est à voir et reste une excellente et jubilatoire surprise.

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