POURQUOI CE BLOG ?

Ce blog est destiné à donner un avis sur des films récents. Cela permet de partager une passion commune que l'on n'a parfois pas le temps de faire à cause de nos emplois du temps (sur)chargés.

La crise sanitaire ayant eu raison des cinémas et des programmations, des films un peu antérieurs à 2020 peuvent être évoqués dans l'actualité.

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Wilfrid RENAUD

dimanche 1 juillet 2018

MOI, TONYA



Article de Gaëtan Wildwood



Craig Gillespie signe avec Moi Tonya une excellente histoire, qui sur le papier n'avait pas grand chose à raconter pendant deux heures. Pourtant ce qu’il réussit à faire de cette histoire glauque dans l’univers du patinage artistique demeure remarquable.

Et voila, la façon dont il nous dépeint ce fait divers reste vraiment épatante. Tout l’art de bien raconter une histoire tient dans la qualité du scénario de Steven Rogers, et Craig Gillespie a su parfaitement mettre en image ce récit qui épouse les traits du drame, du biopic et de la comédie, tout à la fois. On y trouve des séquences dramatiques assez troublantes, notamment avec la mère de la patineuse, incarnée de manière horrifique par une Allison Janney géniale. Margot Robbie, tout à la fois physique, drôle et dramatique joue une excellente Tonya Harding.
Les seconds rôles géniaux, forment une galerie de personnage 
magnifiquement pathétiques, le casting est donc au sommet. Et justement toute la tragédie de cette "histoire américaine" (très sombre et pessimiste au fond: celle d'un déterminisme social et de l'impossibilité de s'en extraire) demeure vraiment noyée dans le rythme, le comique et le ridicule de la situation (il suffit de voir la scène du "genou" et la fuite de l'agresseur pour y voir tout l'absurde et quasiment l'humour des frères Coen comme dans Fargo). Ce qui en fait un film extrêmement divertissant, plus profond que ses apparences...

Mais au-delà de ses interprètes, Moi Tonya distille donc avec justesse son portrait d’américains paumés, dépassés par la soudaine notoriété d’une des leurs, et qui prennent donc des décisions absurdes, basculent dans le n’importe quoi et se mentent à tout crin.

Pour conclure, à la fois biopic et documentaire, filmé avec soin et joliment mis en musique, ce film qui fait passer du rire aux larmes reste une belle petite surprise, dans lequel on y retrouve aussi une véritable critique de la société américaine
 
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Article complémentaire de  Frederic Serbource.
  Comme elle le dira elle-même, aujourd'hui, Tonya Harding n'est désormais plus qu'un bon mot dans la culture populaire, celle à qui l'on se réfère en cas de plaisanterie sur le fait de blesser volontairement un concurrent pour s'assurer la victoire lors d'une compétition. Peu importe son parcours sportif ou qu'elle fut la première patineuse américaine à réaliser un triple axel, son nom restera à jamais indissociable de "l'incident" hyper-médiatisé qui a vu sa principale rivale, Nancy Kerrigan, se faire agresser pendant les championnats éliminatoires en vue des Jeux Olympiques de Lillehammer en 1994.
Avant de bien évidemment consacré une large part de son récit aux événements rocambolesques qui ont mis fin à sa carrière, "Moi, Tonya" va nous recontextualiser le destin de la patineuse à partir de son enfance. Pur produit de cette Amérique white trash méprisée, la petite Tonya Harding sera enchaînée dès son plus jeune âge à la violence physique et psychologique exercée par une mère dont la tyrannie n'a d'égale qu'une forme de misanthropie jusqu'au-boutiste. Même lorsque cette dernière donnera de sa personne afin d'aider le don naturel pour le patinage de sa fille en y investissant tout son argent, Tonya se heurtera en permanence à un mur de remontrances cinglantes débordant jusque sur sa vie amoureuse.
 

 Devant cette figure maternelle qui n'appellera jamais une réciprocité émotionnelle, la future participante aux J.O. cherchera tout naturellement la reconnaissance auprès du monde du patinage (qui la regardera sans cesse de haut compte tenu de ses origines sociales) et des ovations du public. Mais son rapport ténu à la violence entretenu dès l'enfance ne la quittera désormais plus, comme si celui-ci était devenu une condition sine qua non à sa réussite de patineuse (la scène de sa mère et du supporter est en ce sens aussi drôle que tragique). Elle aura beau rompre le cordon ombilical maternel lors d'une dispute à la conclusion sans retour, le couple qu'elle formera par vagues successives avec Jeff Gilooly sera lui aussi fondé sur une passion brutale synonyme de violences conjugales répétées. Seule la récompense et la reconnaissance tant attendues de tous ses efforts lors de l'exécution de son fameux premier triple axel laissera entrevoir un horizon plus apaisé qui sera hélas vite brisé par la frustration de son mari devant la célébrité grandissante de sa femme.
 

Après les hauts et les nombreux bas de la vie de Tonya, le film se concentrera donc sur la fameuse affaire Harding/Kerrigan et c'est peut-être d'ailleurs là que sa forme très efficace de faux docu-fiction va prendre toute son ampleur. Jusqu'ici utilisé principalement comme un ressort tragi-comique où chaque personnage apportait un regard extérieur sur divers évènements sous forme d'interviews postérieures (on nous prévient d'ailleurs dès l'ouverture que le film est autant basé sur des faits véridiques que de versions contradictoires), ce procédé narratif va montrer toute son ingéniosité en mettant en relief tous les points de vue autour de la maladresse somme toute pitoyable de ce "complot". Comme si, au moment où une seconde chance incroyable s'offrait à elle, Tonya Harding voyait la stupidité et la violence de son environnement social d'origine la rattraper devant son incapacité à ne s'en jamais être détachée totalement. À base de mini-flashbacks/flashforwards, toutes les versions contradictoires des personnes derrière cette affaire nous seront rapportées et confrontées à l'absurdité totale de la situation qui conduira à des pics d'hilarité (la scène de la caméra surveillance racontée par le journaliste) tout en n'ignorant pas la tragédie humaine et sportive en train de se jouer (le verdict du procès sera dévastateur).
En démontrant que Tonya Harding n'était en fin compte qu'un domino en train de s'effondrer parmi tant d'autres personnages rongés par la bêtise (mais en ne niant toutefois pas son implication), le film prend bien sûr parti pour la patineuse mais seulement pour nous laisser percevoir comment son destin brisé n'avait finalement que très peu de chances de surmonter les mutiples embûches qu'elle avait parfois elle-même placé sur sa route...

Réalisateur éclectique (on lui doit quelques perles comme "Une Fiancée pas comme les autres" et le mésestimé "The Finest Hours"), Craig Gillepsie livre donc un biopic passionnant et explorant toutes les ramifications d'un fait divers ignorées par l'overdose médiatique de l'époque. En jouant judicieusement avec la forme adoptée si particulière par des répliques face caméra et les interviews des personnages, le réalisateur amplifie véritablement l'implication du spectateur dans un récit qui fleurterait pourtant souvent avec l'improbable si tout ce qui nous était raconté n'était pas bel et bien basé sur la réalité. De même, il réussit aussi à insuffler une certaine tension aux numéros de patinage en les filmant à hauteur humaine pour nous immerger un peu plus cinématographiquement dans l'apothéose de ce qui se joue à chaque compétition et plus largement à ce moment précis de l'existence de Tonya Harding.
Bien entendu, le film trouve en Margot Robbie une espèce d'incarnation parfaite de cette héroïne mal-aimée (sa nomination aux Oscars est loin d'être volée), l'actrice en pleine montée de puissance jusqu'ici porte sur ses seuls patins les multiples facettes de ce personnage fascinant qui lui permettent de montrer l'étendue de sa palette de jeu dans tous les registres (il y a même un petit clin d'oeil à son Harley Quinn désormais bien ancrée dans les esprits). L'immense Allison Janney dans le rôle de sa mère impressionne également à chacune de ses scènes en trouvant sans cesse l'humour dans la plus grande cruauté de son interprétation, même Sebastien Stan, en mari aussi passionné que violent, habituellement assez transparent, déniche ici une occasion en or pour s'imposer. Enfin, n'oublions pas de mentionner Paul Water Hauser, une révélation dans le rôle de ce garde du corps mythomane sans qui l'invraisemblabilité de toute cette affaire n'atteindrait pas les mêmes proportions.

Dans ses derniers instants, "Moi, Tonya" nous laisse sur des entretiens avec les protagonistes réels renvoyant à la véracité des événements absurdes auxquels on vient d'assister et surtout sur une des performance sportive de la véritable Tonya Harding, la patineuse, celle que tout le monde avait oublié et que "Moi, Tonya" s'est merveilleusement chargé de nous remettre en mémoire...



Avis validé par Jacques Coupienne


Avec un sujet qui a défraya la chronique en son temps, on pouvait redouter une approche très manichéenne de cette triste histoire : il n'en est heureusement rien ...
Filmé avec un souci permanent de nuance et de recul (j'ai souvent pensé au "Raging Bull" de Scorsese ...), ce faux biopic nous fait vivre de très près le côté tragi-comique du destin de cette jeune femme "white trash", ostracisée dès le départ dans le milieu ultra lisse du patinage de haut vol.

Grande performance de Margot Robbie dans le rôle titre et de Allison Janney, grandiose en mère ultra toxique ...





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