Article de Wilfrid RENAUD
 |
Freddie Mercury & Rami Malek |
Dire que Bryan Singer tient peut-être là le meilleur film de sa carrière
serait réducteur et ce serait vite oublier "Usual suspect" et les quatre volet de la saga
"X-men", qui l'ont confortablement installé au box-office. C'est
d'ailleurs d'autant plus rageant de voir que son nom n'est même pas
crédité au générique suite à sa brouille plus que douteuse avec la 20th Century
Fox....Bref, passons sur l'ingratitude des pro
ducteurs, "Bohemian Rhapsody" est devnu en un mois un véritable succès au box-office et curieusement flotte encore dans mon esprit plusieurs jours après sa vision.
Le vrai challenge de Bohemian Rhapsody étant d'interpréter la diva du groupe Queen, il est
hallucinant de voir Freddie Mercury, carrément réincarné dans l'acteur
Rami Malek. Celui-ci apporte à la fois toute la flamboyance nécessaire
et toutes les fêlures de la rock-star avec une subtilité rare et
parfaitement retransmise à travers la caméra de Singer. Un Oscar ? Un
Queen d'or oui. Et version XXXL, s'il vous plaît.
Acteur surtout connu pour la série, Mr Robot, il marque le film de son empreinte et place la barre des très haut dans la performance d'une interprétation d'un personnage connu. Le play-back est nickel et fort heureusement, le film a conservé la véritable voix du chanteur lors des scènes de concert, au contraire de "Nina" où l'actrice Zoé Saldana reprenait elle-même les tubes de Nina Simone. Quand des interprètes marquent des tubes de façon aussi foret, il est quasi-impossible de les imiter et encore moins de les surpasser.
Le film retrace donc la carrière du groupe des années 70 jusqu'au concert au stade de Wembley pour le Live Aid en 1985.
Si l'homosexualité
de Freddie Mercury n'était plus un secret pour personne, ses
excentriques et provocatrices tenues de scène parlaient d'elles-mêmes,
ce qu'on sait moins en revanche, c'est qu'il s'était fiancé avec une
femme, Mary Austin, qui restera le grand amour de sa vie, longtemps après que leur
relation soit devenue platonique, dés lors qu'il assuma sa sexualité. Dans ce rôle inattendu, Lucy Boynton tire remarquablement son épingle du jeu dans un casting essentiellement masculin.
Bryan Singer a su éviter l'écueil des bars et boites de nuit gay SM sordides, le peu que l'on voit est largement suffisant lors des errances nocturnes du chanteur, pour se consacrer plus aux sentiments, ici les hommes s'embrassent, s'aiment et se séparent comme n'importe quels couples hétérosexuels.
Freddie Mercury, évidemment, est plus mis en lumière que les autres membres
du groupe, qui deviennent des seconds rôles sans devenir des
faire-valoir, même si on aurait aimé en savoir plus sur leur vie privée où chacun a fondé une famille et eut des enfants. On voit en revanche dans une belle séquence, la fabrication dans un de leur album phare de leur carrière, "A night of opéra" où chacun essaye d'apporter sa chanson. "Bohémian Rhapsody" naitra de cette session, empreinte d'humour à travers les essais expérimentaux et les innombrables répétitions.

Les trois autres musiciens sont complémentaires du leader du groupe, on les voit lui tenir tête quand il pousse le bouchon de la provocation un peu loin et quand il se trompe sur ses décisions mais il est incontestable que le groupe Queen n'aurait pas été aussi loin sans sa créativité, souvent mal perçue par les producteurs, et qu'il n'aurait même jamais vu le jour.
Le film dépeint un artiste, à la fois entouré de
parasites et empli d'une solitude désarmante, quand il n'est plus en
tournée ou en train de composer avec ses comparses, où le spleen, la
drogue et le sida auront au final sa peau à l'âge de 45 ans.
Quasiment tous les tubes du groupe sont présents de la chanson titre à "We we will rock you", rêvé par Brian May, le guitariste, et concrétisé par le groupe, où le tempo lors du concert donne au spectateur la furieuse envie de se joindre à l'unisson.
Après un détour par une tentative de carrière solo en Suisse et une réconciliation sous forme d'excuses solennelles avec ses comparses, la séropositivité de Freddie Mercury est abordée par quelques scènes pleines de pudeur mais qui mettent la larme à l’œil, comme celle où il annonce sa maladie au groupe.
Alors que le chanteur avait des baisses de cordes vocables qui mettait leur future performance en danger, le film se termine par le concert à Wembley lors du Live-Aid, organisé par Bob Geldof, séquence d'environ 20 minutes d'une énergie
inouïe, d'une communion avec le public imparable, et qui est le
contre-pied de cette solitude assassine.
Au final , le groupe Queen aura été sa
vraie famille.
Et ses enfants...Tous ses milliers de fans.