Article de Wilfrid RENAUD
Suite directe
du premier Blade Runner, film culte de Ridley Scott sorti en 1982, la mode des
univers étendus/ suites /remakes et reboots en ce moment aurait pu faire
craindre le pire, voire virer à la catastrophe.
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Denis Villeneuve sur un des plateaux du film. |
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Néanmoins, Ridley Scott en est
le producteur principal, ce qui reste malgré ses détracteurs, un gage de
qualité pour moi. Et puis surtout c’est Denis Villeneuve qui a réalisé cet opus
2049, réalisateur canadien, que j’admire depuis les très belles réussites
qu’étaient Sicario et Premier contact. Cerise sur le gâteau, c’est Hampton Fancher, scénariste du premier film qui est à l’origine du script c,
épaulé par Michael Green et Ridley Scott, qui ont travaillé auparavant sur Alien Convenant, ce qui garanti une homogénéité
à l’ensemble. (Ridley Scott voulant créer
des passerelles entre ses deux œuvres cultes pour ne faire qu’un même univers.
Ça commence à pointer le bout de son "oeil" mais c’est une autre histoire…)
1982, c’était
le premier Blade Runner, choc visuel imparable à l’époque (les effets spéciaux
ont un peu vieilli depuis quand même), ambiance lancinante et hypnotique,
doublée d’une réflexion sur le genre humain et la cohabitation d’une technologie
qui la dépasse (les fameuses Intelligence Artificielle ancrées dans des robots
à l’apparence humaine –les Réplicants). Pour ceux dont le cinéma de science
fiction commence à l’ère de James Cameron, non ce n’est pas pompé sur le
belliqueux Terminator, celui-ci rappelons-le, est sorti 2 ans plus tard. Et
l’histoire de Blade Runner est une adaptation libre du roman de Philipp K. Dick
mort en 1982, « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? »
publié en 1968.
Ajoutons que
le point commun entre Terminator et Blade Runner s’arrête à l’androïde doté
d’une apparence humaine. Si le film de Cameron reste iconique, celui de Scott
est plus classieux et plus profond, mélange science-fiction et polar noir. Il
ne parle pas de visiteurs du futur mais se situe directement dans le futur, en 2019
pour être exact, ce n’est jamais que dans deux ans maintenant mais à l’époque
des décennies séparaient la fiction de la réalité. Un futur surpeuplé donc,
pollué, où les colonies spatiales sont devenues réalité et où les Réplicants
sont utilisés comme des esclaves modernes, pour les travaux pénibles ou comme
objets de plaisirs. Ils sont crées grâce à de l’ADN humain par la Tyrell
Corporation, mais ne sont ni des clones, ni des robots. Après une révolte
sanglante et inexpliquée où ils ont détournés un vaisseau pour Mars, six
Réplicants du modèle Nexus 6 sont interdits sur Terre.
Des unités spéciales,
les Blade Runner, traquent les modèles en situation irrégulière mais les plus
modernes sont difficiles à distinguer des humains. Les Blade Runner utilisent
un protocole sous forme de questionnaire pour les reconnaitre. Leur durée de
vie est en général de 4 ans pour éviter qu’ils s’humanisent.
Voilà pour le
point de départ, la suite du film voit donc Deckard -un Blade Runner- à Los
Angeles (incarné par Harrison Ford)
traquer un groupe de Réplicants insoumis mais partir dans les montagnes avec un
modèle féminin plus récent Rachel dont il était tombé amoureux, tout en sachant
qu’elle a une durée de vie précaire. Entre un Star-Wars et un Indiana Jones,
Harrison Ford tenait là, le troisième rôle phare de sa carrière, tant le film
est devenu une référence en matière de science-fiction.
2019- La
suite de Blade Runner nous projette trente ans après ces événements.
BLADE RUNNER
2049- Les humanoïdes, issus du génie biologique, existent toujours mais ont été
intégrés dans la société pour assurer la survie de l’humanité.
K (Ryan Gosling) l’un des plus récents
modèles conçu pour obéir travaille comme Blade Runner au district de police de
Los Angeles. Sa mission consiste à pourchasser et à éliminer d’anciens modèles
délinquants. Dans une ferme, il élimine un ancien modèle et découvre par hasard
une boite enterrée au pied d’un arbre. L’analyse médico-légale révèle que ce
sont les restes d’un Réplicant femelle mort à la suite des complications d’une
césarienne pratiquée dans l’urgence.
K, troublé, va enquêter de sa propre
initiative et découvrir que les restes sont ceux de Rachel (Sean Young), un Réplicant femelle ayant
vécu 30 ans plus tôt, et qui a eu une liaison amoureuse avec Deckard (Harrison Ford). Et si cet enfant avait
survécu ? Ce miracle pourrait mener à une guerre ouverte entre humains et
androïdes…
Voilà pour le
résumé de départ et, à mes yeux le film de Villeneuve, tient toutes mes
espérances à la fois sur la forme et sur le fond tout en donnant envie de se
replonger dans le premier pour en apprécier tout le plaisir et la subtilité.
Sur la forme,
le film s’inscrit dans le même univers visuel que celui de Scott, en tenant en
compte que trente ans se sont écoulés et que la technologie a évoluée en même
temps que le contexte économique, la Tyrell corporation n’existe plus et a été
rachetée par Niander Wallace, magnat industriel présenté comme un messie
mégalomaniaque. Ainsi, on retrouve une version miniature de la machine oculaire
pendant les tests avec le questionnaire, des voitures volantes au design plus
élaborés et des villes poubelles, quand elles ne sont pas en grande partie
ensevelies sous le sable, pour ne citer que ces exemples. Le futur ne donne pas
très envie, d’autant que la morale et le bon sens semblent avoir complètement
disparus, comme les vestiges d’une civilisation ancienne…
K, le Blade Runner,
interprété par Ryan Gosling est un androïde solitaire qui a pour seule compagnie,
un hologramme, ancré dans son appartement, en guise de femme. Mesure de
sécurité pour éviter que sa conscience ne trahisse ses obligations envers les
humains, il transgresse néanmoins ses directives en lui donnant dans le film
une certaine autonomie pour qu’elle l’accompagne dans sa mission. Sans tout
dévoiler, sur le fond, le spectateur perd dans certaines scènes ses repères
actuels. Des androïdes vivant aux cotés d’hologrammes, qui imitent des humains
qui s’avèrent être parfois des androïdes…la mise en abîme est profonde,
dérangeante, et crée paradoxalement une empathie particulière pour le
personnage de K dont le jeu minimaliste de Gosling, passe surtout par le regard
(bleu) et les silences.
L’enjeu de
l’histoire donne de la matière à penser : un hybride venant d’un humain et
d’un androïde femelle (qui rappelons le, à de l’ADN humain, donc qui aurait pu développer
des organes génitaux). Qu’adviendrait-il de notre futur si cela devait se
produire ? Les biotechnologies dotés d’une conscience remplaceront t-ils
l’homme au point de l’éradiquer ? Chercheront-ils à l’asservir dans
un juste retour des choses ? Ou bien cohabiteraient-ils en respectant leurs
créateurs ? D’autant qu’une nouvelle espèce, issue d’un humain et d’un
androïde poseraient à la fois de nouveaux repères et de nouveaux modes de
fonctionnement de toute notre civilisation actuelle. Et vu la peur primale
d’une grande partie de l’humanité pour tout ce qui est différent, je doute que cela se fasse de manière pacifiste. Et c’est
le pli que semble prendre le film vers les trois quarts de l'histoire, un groupuscule
de Réplicants pointe le bout de ses circuits, décidés à protéger l’enfant coûte
que coûte.
Le personnage
d’Harrison Ford -Deckard- est aussi une énigme en lui-même. Qu’est-il advenu durant ces
trente ans ? Réfugié dans une cité abandonnée, l’enfant est-il avec
lui ? L’a-t-il élevé ?
Le film
apportera les réponses de manière assez inattendue, laissant la porte
ouverte à une trilogie qui s'avèrera plutôt bien fichue pour le moment. Et ceux qui croyaient voir le twist final
arriver de loin en seront pour leurs frais. Le coté romantique du premier opus
n’existe plus ici, le personnage pivot de l’histoire n’étant pas humain, il en
découle une certaine amertume dans une crise existentielle robotique qui
pourront laisser certains spectateurs sur le coté de la route. Mais la route
est audacieuse, ambitieuse et donne surtout, sacrément envie, d’un horizon plus optimiste.
Pas sûr que
l’avenir de Blade Runner ne soit pas meilleur que celui qui nous attend d’ici
trente ans. On en reparlera alors… Peut-être…
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