Article de Wilfrid RENAUD
13 ans après
le premier opus, James Cameron nous livre ce deuxième volet très attendu. Je l’avoue si l’effet de surprise n’est plus
au rendez-vous, je ne peux m’empêcher de défendre ce film pour les valeurs
humaines qu’il véhicule, et on peut sûrement y trouver une centaine de défauts
mais coté spectacle ça reste largement au dessus des films de super-héros
produits à la chaîne et autres blockbusters bas de plafond. Si vous ne l’avez
pas encore vu le film, arrêtez-vous là, car certains éléments non dévoilés dans
la bande-annonce méritent un petit développement.
D’abord le
sujet est touffu, carrément fourre-tout, jouant autant la carte de l’écologie,
que la dénonciation capitaliste et les valeurs morales de la famille tout en
restant dans le cadre de la science-fiction qui permet sur certains points d’aller
« plus loin ». Sur le fond ce qui m’a surpris, c’est que les
« enfants » de Jake Sully et Ney’tiri (respectivement Sam Worthington et Zoé Saldana) prennent rapidement
le relais de leurs parents, avec pour
certains des rôles déterminants dans le récit. Guillemets autour des enfants,
car l’ainée des filles, Kiri, n’est autre que la fille biologique de l’avatar
de Grace Augustine, le personnage joué par Sigourney Weaver.
Le futur
proposé par James Cameron permet donc de jouer aux apprentis sorciers de
manière encore plus surréaliste en mélangeant le clonage, les embryons et les
naissances in vitro. Si on regarde de plus près, la petite Kiri est une
aberration.
Un être
vivant issu d’une coquille vide.
Ce qui est
parfaitement rendu dans son cheminement personnel, se cherchant constamment une
place entre plusieurs mondes. Celui de sa famille adoptive, celui des humains,
celui des Na’vis et enfin le monde animal avec lequel elle a une connexion
étrange qui s’épanouira dans le dernier quart du film en lui conférant des
capacités miraculeuses, la désignant comme une
élue évidente pour les futures suites. Ayant peu suivi les secrets de
tournage avant d’aller voir le film afin de rester totalement neutre à sa
vision, je me demandais qui était cette gamine remarquable qui jouait comme une
adulte…et je fus agréablement surpris de découvrir que Sigourney Weaver avait
rempilé pour jouer en motion-capture, le rôle de l’adolescente. Outre le
capital sympathie de l’actrice, c’est pour moi sans conteste le meilleur
personnage du film.
James
Cameron n’a jamais été reconnu pour la subtilité de ses personnages, ni de son cinéma , son
approche très rentre-dedans n’a pas la complexité d’un Nolan ou
d’un Fincher, on le sait et on sait à quoi s’attendre quand on va voir un de ses films. Je trouve
qu’il est dommage qu’on lui reproche encore ça après toutes ces années, car il
offre en revanche avec générosité un spectacle dont peu de
cinéastes peuvent aujourd'hui se vanter. Et cette fois, il le fait par le biais d’un autre
personnage Lo’ak (Britain Dalton, acteur américain de 21 ans inconnu du grand
public), qui hérite du rôle ingrat du second
fils, celui qui recherche l’approbation de son père. Né avec cinq doigts au
lieu des quatre de la race Na’vi, l’acceptation de sa différence auprès des
enfants des autres tribus passera par tous les stades, allant du rejet à la moquerie et par conséquence
la confrontation. Pour prouver sa valeur, il bravera
les interdits et les dangers avec une escapade océanique qui donnera lieu à un
lot de séquences époustouflantes dont l’effet contemplatif devient
quasi-hypnotique. Le réalisateur offre vers le milieu du récit des images quasi-documentaires d’un
monde virtuel qui atteint un état de grâce inattendu.
Car « la
Voie de L’eau » amène avec son nouveau lieu géographique, loin des forêts
du premier opus, de nouvelles tribus, coutumes et créatures, accompagnées d’un
mysticisme un peu désuet mais s’ajustant bien à la féérie sous-marine. On y sent
avec une constance désarmante l’amour que porte sincèrement James Cameron aux
océans et la faune aquatique de notre
vieille planète Terre. La métaphore est tellement mince que seuls les grincheux
et les cyniques se gausseront devant le coté fable du récit qui dénonce
pourtant l’extraordinaire capacité qu’à l’homme « moderne » à reproduire sans cesse les mêmes erreurs pour le
profit, au détriment du respect des civilisations et de la nature.
Si la
colonisation était la thématique de cette dénonciation 13 ans auparavant, la
chasse à la baleine est ici pointée du doigt à travers les Turkun, géants des
mers en communion totale avec les habitants de la planète Pandora, dont un des bannis
sera un atout précieux dans la bataille finale. Ces créatures possèdent un
élément-clé dans leur organisme qui permet d’acquérir une forme d’immortalité,
exploitée lors de ses fameux clonages embryonnaires où les souvenirs sont
implantés.
Car les Terriens
capitalistes, après avoir vidé de toutes substances leur planète d’origine sont
de retour bien décidés à piller les richesses de Pandora. Pour le meilleur et
pour le pire. Les caricatures sont autant présentes que les nuances sont
absentes de ce coté. Et ce n’est pas l’arrivée de ce nouveau commando qui va
traquer Jake Sully et sa famille durant deux bonnes heures qui me fera mentir.
Tous ont la psychologie d’une huitre armée d’une mitrailleuse.
Seul personnage
à tirer lui son épingle du jeu, l’avatar du clone de…Quaritch,(toujours joué par Stephen Lang) colonel teigneux
décédé dans le premier opus, tué par Ney’tiri de deux flèches dans le corps,
comme il le découvrira à ses dépends, ayant tous les souvenirs de son géniteur,
sauf ceux de son décès, les implants ayant été fait ultérieurement... De la
science-fiction, certes, mais cette opportunité de revenir « d’entre les
morts », donne à ce nouveau personnage, une humilité et une prudence qui
le rendent moins manichéen que dans le premier opus. D’autant qu’il va
découvrir qu’un jeune humain abandonné fréquente les enfants de Sully et qu’il n’est
autre que…le fils de Quaritch. Donc, un peu le sien par conséquence.
Cette
révélation va donner lieu à la plus étrange relation père-fils que l’on ait vu
entre un humain et un être créé biologiquement, où la haine et l’amour se
disputent dans le cœur du garçon, surnommé Spider
( ?? pourquoi d’ailleurs) Lui aussi est à cheval entre la caricature et la
complexité. Espèce de Mogwli bondissant, happé par le mode de vie Nav’i, il
reste constamment avec un respirateur à cause de l’air nocif de Pandora,
cherchant une place qui ne lui est pas accordée, mais aussi un père auprès de
Jake tout en refusant la main tendue du clone, restant tiraillé par des
sentiments contradictoires envers l’avatar de son géniteur.
De même, le
double bleuté de Quaritch, malgré le faux désintéressement pour le garçon dont
il affirme n’être pas « le père véritable », ne cherche au fond qu’à
retrouver à travers lui cette part d’humain qui lui fait désormais défaut.
La
paternité, ici sous ses diverses formes et nuances, est l’un des aspects les
plus intéressants du scénario, parcourant des territoires inédits, presque
tabous, qui déboucheront pour les trois enfants cités (Kiri, Lo’AK et Spider) sur la découverte de leur identité.
Les deux
autres, eux, n’auront pas cette chance, sacrifiés à la caricature pour l’une,
pleurnicharde au possible, et sacrifié
tout court pour l’autre, à la structure dramatique du récit où la haine et la
vengeance reprendront le dessus dans un combat teigneux et crépusculaire, lors
d’une éclipse et le dernier quart du film.
Lors de
cette séquence, sans doute un poil trop longue, le réalisateur semble se faire
un propre clin d’œil avec des références à Titanic et Abyss, et ce bateau
chasseur de Turkuns, prenant l’eau et se mettant à couler avec une partie de
ses protagonistes, bouclant la boucle d’une carrière placée sous le signe du
spectaculaire et de l’innovation, avec une démesure assez unique en son genre.
Rendez-vous
pris avec ses deux (trois ?) suites, tant l’immersion est plaisante malgré
des défauts récurrents.
Sans 3D pour moi. Outre cette baisse de la
luminosité à cause des verres des lunettes, celle-ci m’ennuie profondément dans
cette manière aléatoire de vouloir nous faire croire à l’émerveillement des
scènes, avec un poisson ou une algue anecdotique qui passe sous nos yeux, alors qu’elle devrait être un outil d’appui
pour la narration de certaines séquences au même titre que la musique et le
montage du film.
Si je veux
voir de vrais films en 3D, je vais au Futuroscope pas au cinéma…