Article d'Eric BEAUVILLAIN Indéniablement,
le nouveau cru Almodovar est bon. J’ai même l’impression que le
bonhomme se bonifie avec le temps…
Perso, je ne suis pas fan des films « tranches de vie » où on bavasse de
tout et de rien, avec un début qui pourrait se situer ailleurs et une
fin qui mériterait qu’on s’arrête avant. J’aime qu’un film me raconte
une histoire.
Indéniablement, ce nouvel Almodovar remplit parfaitement la tâche ! Il
en raconte même deux ! L’Histoire de l’Espagne franquiste et ses
conséquences, la vie de deux mères qui se sont rencontrées à l’hôpital
lors des accouchements… Deux drames qui se dévoilent lentement, petit à
petit, fournissant à chaque scène un intérêt pour son histoire…
D’ailleurs, j’aime bien qu’un film ait une fin satisfaisante, qu’il
s’arrête là où il doit s’arrêter sans en ajouter plus qu’il n’en faut ou
qui laisse le spectateur choisir lui-même sa fin parce que le
réalisateur ne sait pas trancher.
Indéniablement, Almodovar sait y faire : chacune des deux histoires a
une fin, satisfaisante, qui se termine là où il faut, logiquement et
sans avoir à discuter.
En plus, j’aime bien qu’un film ne s’étire pas gratuitement, avec des
scènes inutiles ou qui se répète.
Indéniablement, Almodovar n’abuse pas du processus : les jours,
semaines, mois passent en un claquement de doigts pour ne montrer que
l’essentiel, le nécessaire. Certaines scènes sont plus longues mais
juste ce qu’il faut pour raconter ce qu’il y a à dire…
J’aime aussi les films où l’on peut croire à ce qu’on nous raconte sans
que ça soit convenu, trop, pas assez, tiré par les cheveux ou peu
crédible.
Indéniablement, Almodovar remplit la mission. Tout en faisant avancer
ses deux histoires majeures, il ajoute le métier de photographe de
Janis, le magazine d’Elena, la mère d’Ana qui devient comédienne…
L’ensemble est plein de moments de sincérité, du thé dans le patio à la
vue de la chambre d’hôtel, de la nounou à qui on donne les affaires aux
femmes du village qui accueillent Janis avec des gâteaux… Ça fleure bon
la vérité, ça nous emmène dans la vraie vie tout du long sans coup de
baguette magique sortant des facilités de son chapeau !
Bon, forcément, j’aime bien quand un film est bien joué, c’est
insupportable de voir un comédien qui en fait trop ou une comédienne qui
n’en donne pas assez (ou inversement).
Indéniablement, Almodovar a l’art de diriger ses acteurs.
Je ne crois
pas avoir vu une Pénélope Cruz aussi magnifique ! Elle passe par toutes
les émotions possibles avec une justesse incroyable. Elle magnifie le
rôle avec sa sincérité. Milena Smit offre elle aussi un vaste panel de
sentiments, en parfait contrepoint à Pénélope Cruz. Une fille plus vraie
que nature dans sa souffrance, à l’hôpital, dans ses réactions, dans sa
révolte adolescente… Aitana Sánchez-Gijón donne ce qu’il faut pour
qu’on y croit ; Israel Elejalde est certes moins varié mais il fait
carrément le job et rend totalement crédible son personnage… Bref, une
interprétation irréprochable.
Et puis je ne suis pas forcément fan des effets de caméras gratuits, des
angles bizarres juste pour la beauté de la chose.
Indéniablement, Almodovar s’en fout. Il pose ou bouge sa caméra avec
douceur, se faisant totalement oublier pour rendre l’ensemble fluide et
nous faire entre dans son film et nous laisser en profiter, en se
faisant discret.
Enfin, j’aime bien quand les films provoquent quelque chose chez moi.
Que je ne le regarde pas comme j’observerais un train passer, avec
indifférence…
Indéniablement, si je le note, on comprendra qu’Almodovar a réussi le
pari…
Je n’ai pas la larme facile parce que souvent, un abus de musique, un
plan trop appuyé, des phrases emphatiques gâchent l’effet… Pas là.
Il faut reconnaître qu’Almodovar a le chic pour nous emmener
tranquillement dans son histoire et faire gonfler l’émotion jusqu’au
bout, prenant de plus en plus aux tripes…
Il parvient même à faire se questionner le spectateur – en tout cas moi –
sur l’histoire des deux mères, à me demander ce que j’aurais fait à
leur place…
Finalement, j’aime les films qui m’emportent sans que je voie le temps
passer, à la fin desquels je sors repus et satisfait.
Indéniablement, Madres Paralelas fait partie de ceux-là.