Une courte partie de l'équipe du film à Cannes : T. Chamalet, B. Murray, H. Girardot, O. Wilson et Wes Anderson, le réalisateur |
Une courte partie de l'équipe du film à Cannes : T. Chamalet, B. Murray, H. Girardot, O. Wilson et Wes Anderson, le réalisateur |
L’affiche était alléchante : Sean Penn et Mel Gibson, épaulés par des seconds rôles marquants comme Natalie Dormer et Stephen Dillane (tous deux déjà présents dans Games of Throne), Steve Coogan ou Eddie Marsan. J’ai eu un moment de méfiance me souvenant de castings en or pour des trucs peu ou pas emballants. Le film de Farhad Safinia, réalisateur iranien, tient quasiment toutes ses promesses en délivrant une histoire humaine et humaniste, où le pardon, la rédemption et l’altruisme sont au cœur de la thématique.
En 1872, William Chester Minor, médecin militaire de formation, traumatisé par la guerre de Sécession, est interné depuis plusieurs années dans un asile en Angleterre après avoir commis un meurtre durant une crise de schizophrénie. Un jour, il répond à l'annonce publiée par le lexicographe James Murray, qui cherche des collaborateurs pour éditer un dictionnaire de référence, publié par l’université d’Oxford. Au fil des ans, Chester Minor devient l'un des principaux contributeurs, envoyant une quantité astronomique de fiches.
Adapté du livre de Simon Winchester et tourné en 2016, le film ne sort qu'en 2019. La sortie a notamment été retardée par un conflit entre certaines sociétés de production. Aux États-Unis, il ne connait qu'une sortie limitée en salles puis en vidéo à la demande. En France, il sort directement en vidéo en 2019. Il est ensuite présenté hors compétition au festival du cinéma américain de Deauville 2020. Les raisons de ces déboires sont des conflits entre la société de production de Mel Gibson et la société de production et de distribution Voltage Pictures.
En juillet 2017, Mel Gibson et sa société Icon Productions tentent une action en justice contre Voltage Pictures . Ils reprochent à Voltage Pictures le contrôle de certains aspects de la production. Il est aussi reproché à Voltage Pictures d'avoir refusé de programmer cinq jours de tournage pour des scènes importantes à Oxford ainsi que le final cut au réalisateur. Ces poursuites font ensuite l'objet d'un règlement à l'amiable confidentiel en avril 2019. Mel Gibson et le réalisateur Farhad Safinia prennent alors leur distance avec le film, estimant que la version sortie par Voltage ne leur convient pas. Ainsi, ils ne participent pas à la promotion du film. Au générique, Farhad Safinia est crédité sous le pseudonyme de P.B. Shemran.
- Dis, donc Mel, tu es loin du confort de L'arme Fatale avec ce film... |
- Steve, à la lettre T, tu trouveras le mot "Trahison"...
Malgré ce parcours un peu plus compliqué que d’accoutumé, il ne démérite pourtant face à un montage qui déplu à Mel Gibson et à son réalisateur et surtout mérite d’être vu pour ses multiples facettes.
Son jeu d’acteur d’abord.
Dans le rôle du médecin schizophrène, Sean Penn livre un rôle de composition habité et remarquable qui rappelle, si tant est besoin de le faire, qu’il est l’un des acteurs les plus doués de sa génération. Il fallait bien la prestance de Mel Gibson face à lui. Loin d’en faire des caisses, l’acteur australien offre ici une interprétation tout en retenue et en subtilité, se mettant au diapason de son partenaire, formant du coup avec Penn un duo mémorable, en même temps qu’une très belle affiche. Mais le film ne se limite pas à sa paire de stars, car basé sur une histoire vraie, les évolutions personnelles de leurs personnages sont aussi tortueuses qu’inattendues.
« The Madman » (Sean Penn donc), incarcéré, connaitra une guérison, suivie d’une rédemption, en apportant son aide à la veuve de l’homme qu’il a assassiné, mettant je cite « sa fortune et sa vie entre ses mains, il ne tient qu’à elle d'en faire ce qu’elle en veut ». Touchant une pension d’ancien combattant de l’armée américaine, cet exilé en Angleterre, William Chester Minor, reversa tout à Eliza Merret (Natalie Dormer) qui était dans la misère avec ses six enfants, permettant de les élever au fil des ans. L'actrice, découverte dans le rôle d'Ann Boylen, dans la série les Tudors, ne cesse de montrer la force de son jeu d'actrice, avec encore un rôle mémorable. La guérison de Minor, amorcée par ce premier pas, connaitra un bond rapide quand il apportera une aide précieuse au « Professor » (Mel Gibson), annotant des citations d’auteurs de chaque siècle, sur des mots qui seront répertoriés et classés par ordre alphabétique dans le premier dictionnaire créé par l’Université d’Oxford. Alors qu’il est toujours incarcéré, sa schizophrénie recule tant qu’il parvient à se concentrer sur ce travail de fourmi.
James Murray, lui, au départ professeur non diplômé, écossais de surcroît, autodidacte talentueux parlant plusieurs langues, sera embauché pour apporter sa méthode peu conventionnelle sur la création du dictionnaire qui peine à démarrer, et dont les premiers collaborateurs butent depuis des mois sur le symbolique mot « Art », tellement indéfinissable et vaste, pour être recensé sur plusieurs siècles. Murray montrera la voie à toute une génération de lexicologues, tout en étant conscient que le temps lui manquera pour terminer un ouvrage, traitant d’une langue toujours en perpétuelle évolution.
Leur association peu orthodoxe, une fois mise en lumière, secouera les conventions de l’époque et Oxford refusera dans un premier temps de créditer à l’ouvrage, la participation exceptionnelle de l’américain toujours considéré comme un criminel aux yeux de la justice anglaise.
Si reproches il y a, c’est sur ce montage des studios qui a sacrifié certains passages qui auraient mérité d’être plus développés, et de cette absence de dates, mis à part celle du départ, sur les moments clés, l’histoire se passant sur plusieurs années.
Mais l’ensemble reste malgré tout très regardable et touche la corde sensible du spectateur, entre vies brisées et renaissances, et donne furieusement envie de lire le livre pour combler les quelques trous de la version cinématographique.
« The Madman et The Professor » malgré son univers très littéraire nous entraine au-delà des mots pour nous plonger dans les sentiments, sans pathos, égratignant au passage la bonne société londonienne et les méthodes barbares de ses asiles psychiatriques, avec une interprétation de qualité, une reconstitution historique pointue et une photographie bien travaillée.
Du bel ouvrage. Plus léger qu’un dictionnaire mais tout aussi instructif.
Article de Frédéric Serbource
Trente-sept ans après l'adaptation de Lynch, Denis Villeneuve est le nouvel Élu chargé de porter la complexité du titanesque univers SF de "Dune" à l'écran. Mais là où un film controversé n'avait pas suffit à convaincre tout le monde, Villeneuve lui a de plus grands plans : deux films pour conter le parcours de Paul, jeune héritier des Atréides, qui, dans cette première partie, va devoir se révéler, endurer les pires épreuves d'un terrible jeu de pouvoirs et, enfin, disparaître derrière le plus grand rôle dans lequel l'inscrit sa destinée.
Article complémentaire de Wilfrid RENAUD
Inutile de revenir sur les qualités du film, je ne ferais que répéter en moins bien ce qu’a déjà dit Frederic Serbource dans l’article ci-dessus.
Si, une chose quand même, le film met en avant une
comédienne qui confirme, à chaque fois, le
potentiel qu’elle possède et tout le bien que je pense d’elle : Rebecca Fergusson. Découverte dans Mission Impossible : Rogue Nation (le
5ème opus), elle a joué depuis dans Life puis le 6ème volet de la franchise impossible, The greatest Showman ou Docteur Sleep pour ne citer que ceux
que j’ai vu, et ne cesse, avec cette première partie, de s’affirmer comme une des
comédiennes les plus douées de sa génération.
Quasiment sans rien changer à son
physique, elle arrive par son jeu d’actrice à faire oublier le personnage
précédent et faire corps avec celui qu'elle interprète. Rebecca Ferguson est un atout considérable dans Dune, qui s’est armé d’un
casting imparable, nécessaire à ce type d’œuvres où l'erreur peut-être fatale. (Le choix d'Hayden Christenssen dans la première trilogie Star-Wars).Rebecca Ferguson
Je tiens aussi à revenir aux origines du roman de Frank
Herbert. Publié à l'origine sous forme de deux publications dans le magazine Analog en 1963 puis 1964,
il a été le roman de science-fiction le plus vendu au monde. Dans les éditions
françaises, ce roman est quelquefois divisé en deux volumes (Dune I
et Dune II),
comme lors de sa première publication dans Analog. En 1966, le roman remporte le prix Hugo
qui récompense les meilleures œuvres de science-fiction ou de fantasy,
à égalité avec le roman Toi
l'immortel de Roger Zelazny. Frank Herbert écrira de nombreuses suites dont les enfants de Dune, créant un univers cohérent et étendu.
Dune brasse plusieurs thèmes, de l’écologie planétaire aux rivalités politiques et religieuses et ressort le rôle de l’Elu, cher aux grandes fresques littéraires et cinématographiques. Dune, c’était un peu Games of Throne avant l’heure, mais situé dans l’espace et sur ses différentes planètes, au lieu d’un monde fantasy médiéval. Il n’est donc pas étonnant que l’on y retrouve des similitudes.
Autre point important au niveau idée et casting, le choix de Stellan Skarsgard pour interpréter le grand méchant du film : le Baron Harkonnen. Pourtant peu présent dans cette première partie, on sent bien la félonie et tout le coté répugnant du despote, donnant une nouvelle dimension à ce personnage emblématique de la saga. Le héros n'est souvent meilleur que lorsque le méchant est réussi. Objectif atteint ici.
Dune version 1984 de David Lynch |
Contrairement à des films comme Le seigneur des anneaux où tout avait été tourné à la suite, la crise du Covid et la frilosité légitime des producteurs avaient mis à frein aux ambitions autour de l’univers de Dune. Au vu, des recettes mondiales, plus de 75 millions de dollars à l’étranger, la suite est déjà quasiment sûre d’être tournée.
Reste à savoir les chiffres que le film fera aux USA mais aussi en Chine, nouveau poumon de la vie et la mort des franchises à succès, pour en être totalement certain.