Article de Frédéric Serbource
Sept ans après qu'une catastrophe ait fait dégringoler l'humanité du sommet de la chaîne alimentaire et l'ait réduite au rang de collation pour une faune mutante revancharde, Joel fait partie des heureux chanceux à pouvoir encore survivre dans une base souterraine. Enfin heureux... Joel ne l'est pas tellement sentimentalement parlant devant l'étalage amoureux de ses compagnons, tous en couple, alors que lui rêve de retrouver sa bien-aimée (nommée Aimee) enfermée dans un autre bunker à des kilomètres de là. Un jour, sur un coup de tête, Joel décide de partir la rejoindre contre l'avis de ses camarades qui doutent fortement de ses capacités à survivre seul...
Un
jeune héros renfermé sur lui-même, maladroit et qui écrit des règles
(sous forme de dessins ici) pour échapper aux dangers d'un monde
post-apocalyptique... Non, non, il ne s'agit pas du personnage de Jesse
Eisenberg dans "Zombieland" mais bien de celui campé aujourd'hui par
Dylan O'Brien dans "Love and Monsters", il faut dire que la confusion
est facile tant le film de Michael Matthews emprunte de nombreux
ingrédients à la recette de la saga zombie-comique de Ruben Fleischer.
Au-delà de son héros, on y retrouve en effet le même ton de survival
post-apo décalé, misant autant sur l'absurde de certaines situations
périlleuses que sur le côté empoté de Joel face à des modèles de
survivants toujours prêts à le chambrer, la construction d'une famille
de substitution autour de Joel en cours de route et même quelques
seconds rôles qui la composent rappelent aussi furieusement l'esprit de
"Zombieland" (Michael Rooker fait vraiment penser à une version light de
Woody Harrelson sans parler de sa petite comparse). Bref, "Love and
Monsters" marche énormément dans les pas de son célèbre modèle et, dans
le fond, il faut bien avouer qu'il remplit cette tâche avec efficacité
grâce à certains points forts.
La
formule du film n'est pas assez originale pour assurer sa seule
identité, pas grave, "Love and Monsters" peut au moins faire illusion
grâce à la richesse de son bestiaire très réussi et s'étendant à tout
l'ordre animalier là où "Zombieland" est justement limité par le sien.
L'humour n'a clairement pas la même force de frappe que dans le film de
Ruben Fleischer (malgré quelques jolis sourires, il faut le
reconnaître), pas grave non plus, "Love and Monsters" l'utilisera
surtout dans le but d'accentuer notre attache émotionnelle aux relations
entre ses personnages (celle entre Joel et Boy est juste irrésistible)
et le parcours initiatique de son héros en multipliant les rencontres
plus ou moins heureuses pour lui faire enfin sortir la tête de son trou
d'introverti trop longtemps replié sur ses souvenirs.
Alors,
certes, tout ça ne camoufle pas complètement le fait que "Love &
Monsters" est un long-métrage qui emprunte beaucoup plus qu'il ne crée
mais, en l'état, il le fait avec suffisamment de discernement pour
offrir un lot conséquent de morceaux de bravoure alliant spectacle et
émotion autour de monstres parfois plus humains que leurs opposants.
Ainsi, le terme "ennui" disparaît vite de notre vocabulaire le temps de
la durée de ce sympathique divertissement et, même au-delà, on se
surprend à avoir envie de retrouver plus tard cet univers et ses
personnages dans une potentielle suite.
Pas si mal en fin de compte pour une recette dont on croyait connaître toutes les saveurs.