Article de Frédéric SERBOURCE
Le film n’est pas récent (2017), emprunté à ma médiathèque avant le deuxième confinement, je me suis dit qu’il était temps de voir ce que valait vraiment Robert Pattinson au-delà de son apparition épisodique d’un Harry Potter et de la saga aux dents longues, mais aux petits pieds, qu’était Twilight. J’avoue je ne suis pas allé au-delà du premier volet, n'ayant pas eu le courage, ni l’envie, de me taper cette série « Harlequin chez les vampires et les loups-garous »…
J’avais eu vent de ces prestations chez Cronenberg, entre autres, et j’avais décelé lors du premier Twilight qu’il en avait plus sous la semelle qu’il n’en laissait paraître, mais je n’avais jamais pris le temps de vérifier à travers sa filmographie. C’est chose faite. Que les fans de l’homme-chauve souris se rassurent, le gars Robert a les épaules assez larges pour incarner le nouveau Bruce Wayne. Pour s’en convaincre, sa prestation dans « Good Time » de délinquant du Queens vaut le détour.
Heureusement, le film ne repose pas que sur ses épaules mais sur une histoire qui rebondit sans cesse, où le protagoniste principal, Connie Nikas (Pattinson), suite à un braquage raté, essaye de payer la caution de son frère, Nick, arrêté lors de leur fuite. Sujet qui paraît classique mais le dit frère est handicapé mental. Du coup l’énergie et la détermination que met Connie lors d’une nuit, très agitée, montre l’attachement fusionnel qu’il entretient avec lui, l’éloignant des stéréotypes classiques.
Braquage, fuite, évasion d’un hôpital où son frère a échoué, mensonges et fabulations auprès des gens qu’il croise, Connie va s’enfoncer encore plus sur une voie du crime déjà bien entamée, quand il va se rendre compte que le gars sous les bandages, n’est pas Nick mais est un autre délinquant qui traine lui aussi son lot de casseroles, où acide et pognon, vont les entrainer toujours plus loin. Leur espoir de sortir de l’impasse se rétrécit aussi sûrement que la nuit avance et le final, s’en rien dévoiler de la chute, démontre que, bin non, le crime ne paie pas, bande de sales gosses.
Réalisé par les frères Safdie, dont l’un d’eux, Benny interprète le rôle de Nick, le frère handicapé, le film possède une empreinte indéniable sur le fond et le forme. Nihilistes et, d’une certaine façon, désespérés, leurs personnages de petits délinquants sordides rêvent d’une vie meilleure et s’accrochent à une liberté qui leur échappe peu à peu, à travers des actes violents mais jamais gratuits, avec un culot monstre qui parvient à duper, parfois, les représentants de l’ordre. L’ambiance au niveau des éclairages, notamment avec une des dernières séquences dans le train fantôme, et surtout la musique donnent un ton très 80’S, doté d’une maturité exemplaire, loin de la nostalgie de cette même période dans les reprises des franchises foireuses.
Marginaux et américains oubliés qui sombrent dans la délinquance, le sujet est à la fois brûlant et mené à un rythme trépidant qui laissent le spectateur sonné devant le coté glauque d’une société, au destin peu enviable.
Ayant si peu l'esprit sportif et encore moins celui de compétition, je dois dire que les histoires de course automobile me passionnent presque autant que celles sur le vélo ou le football.
Pourtant certaines arrivent m'intéresser quand elles parlent de rapports humains, d'amitié au lieu de rivalité, et si "Rush" de Ron Howard avait déjà brillamment ouvert la porte il y a quelques années, "Le Mans 66" déroule carrément le tapis rouge et fera sûrement office de référence dans quelques années.
James Mangold est un réalisateur à part à Hollywood. Il embrasse le système mais pas trop, arrivant à faire des films grand public en y apposant sa patte d'auteur. " Copland" avec Stallone, "Night & Day" avec Tom Cruise, "Walk the line" avec Joaquim Phoenix et "Logan" avec Hugh Jackman témoignent d'une vraie maturité d'écriture et sont plutôt bien servis par la réalisation de Mangold.
"Le Mans 66" ne déroge pas à la règle. La compétition entre Ford et Ferrari sera avant tout une amitié entre deux pilotes, travaillant dans la même écurie en l’occurrence, contrairement à Rush, Carroll Shelby et Ken Miles, le premier engageant le second pour construire une voiture de courses financée par Henry Ford deuxième du nom.
Le film prend son temps pour présenter ses personnages et son état des lieux. L'entreprise Ford, en faillite doit trouver de nouvelles idées et un des conseillers commerciaux arrive à convaincre le grand patron que la mythique course du Mans, où Enzo Ferrari est roi depuis des années, est la meilleure solution pour faire rêver une nouvelle génération d'américains. Les dessous des rouages administratifs d'une grande société comme Ford est traitée avec une ironie mordante et un cynisme qui font mouche. Ainsi une amitié qui va se cimenter dans le milieu sportif automobile et permettre à Ford de construire sa première voiture de circuit sera la conséquence....d'un coup marketing.
Carroll Shelby, qui a remporté la course du Mans en 1959, s'est reconverti dans la préparation et la vente de voitures musclées, et Ken Miles, tête brulée brillante qui court sur des circuits américains tout en concevant des moteurs personnalisés, sont interprétés respectivement par Matt Damon et Christian Bale. Les deux stars, loin d'être dans la compétition, sont parfaitement complémentaires, incarnant deux fortes têtes qui savent de quoi ils parlent face à une administration impitoyable et aux dents trop longues, cristallisée par l'arrogant vice-président Léo Beebe (excellent Josh Lucas). Carroll Shelby, le cul entre deux chaises aura fort à faire entre gérer le tempérament de feu de Miles et les exigences de ses employeurs.
La séquence où il embarque Henry Ford (Tracy Letts aurait mérité un oscar pour son rôle) dans son prototype pour un tour d'essai vaut son pesant de grosses cylindrées, accélérations, virages serrés et freinages extrêmes, le monolithique Ford crie et pleure comme une fillette devant tant de sensations et est convaincu par conséquence qu'il leur faut un pilote tel que Miles pour remporter les 24 heures du Mans.
Celui-ci est insupportable de déraison et de savoir-faire fiévreux, et il faut tout le talent de Christian Bale, pour surjouer avec des moues de la bouche sans que ça ne pollue à aucun moment son personnage (le vrai Ken Miles avait l'habitude de parler la bouche tordue). Il réussira l'exploit de rattraper deux tours de retard sur son rival chez Ferrari malgré un départ calamiteux où sa portière refusait de se fermer.
Les courses en elles-mêmes sont autant de morceaux de bravoure que d'audace et de détermination. James Mangold arrive à faire des séquences lisibles et passionnantes, non dénuées d'humour, où le coach Shelby sera en parfaite adéquation avec le pilote Miles. Porté à ce niveau, le film a un petit coté mystique qui lui donne un état de grâce inattendu, surtout quand sous les directives de ses patrons, Miles, menant alors la course, s'obligera à ralentir pour franchir l'arrivée avec ses deux autres comparses, alignant trois voitures Ford dans une photo symbolique où l'esprit d'équipe l'emporte sur l'individualiste.
Ce geste lui coutera la victoire au détriment de son comparse Mc Laren pour des raisons techniques, ce dernier étant parti de plus loin lors du départ sur la piste. L'amitié entre Shelby et Miles n'en sera que plus renforcée mais de courte durée. Ken Miles périra deux mois plus tard lors des essais d'une nouvelle voiture de course dans le désert au Riverside International Raceway.
Contrairement à Carroll Shelby qui ne semble pas avoir de vie privée dans le film, Ken Miles fait office de père aimant et de mari dévoué malgré un caractère de flammes, le rendant encore plus attachant lors des dernières minutes. Sa relation avec sa femme et celle avec son fils montrent qu'un homme est capable de vivre sa passion tout en conservant l'amour et le soutien de ses proches.
Les deux personnages auront révolutionné la manière de construire chez Ford. Grâce à leurs innovations, la firme remportera consécutivement le grand prix du Mans en 1966, 1967, 1968 et 1969, en étant le seul constructeur américain a être victorieux sur ce prestigieux circuit.
Découvert sur les chaines Canal tardivement, le film date de 2019, "Le Mans 66" mérite le détour, il en a suffisamment sous le capot pour ravir même ceux qui ne sont pas mordus de courses sur bitume et asphalte. Porté par deux acteurs au top de leur forme et un réalisateur chevronné, il est ce qu' Hollywood peut livrer de mieux en terme de divertissement intelligent.
Et ça, c'est déjà une grande victoire, non ?
Article thématique de Wilfrid RENAUD