Bien
avant que les super-héros pullulent sur grand écran dans des univers se
terminant en C.U., M. Night Shyamalan nous interrogeait déjà sur notre
rapport à la mythologie issue des comics avec ce qui resterait sans
doute comme un de ses meilleurs long-métrages,
"Incassable". À travers David Dunn (Bruce Willis), un ancien sportif se
découvrant des capacités surhumaines, le cinéaste réussissait le pari
d'extirper des cases de BD ces figures superhéroïques pour les
déconstruire dans notre réalité à la lumière d'une frontière entre le
Bien et le Mal loin d'être aussi manichéenne qu'en version papier. À cet
égard, le paroxysme de cette approche s'incarnait parfaitement dans le
personnage d'Elijah Price alias Mr. Glass re-alias le Bonhomme de Verre
qui révélait son statut de nemesis de Dunn dans un twist final offrant
une relecture du film bluffante, marque de fabrique de l'auteur
Shyamalan. Dix-sept ans plus tard, "Split" abordait la notion de
crédibilité d'un super-pouvoir à travers Kevin Wendell Crumb, un
personnage gouverné par vingt-trois personnalités différentes se donnant
le nom commun de La Horde. L'avènement d'une vingt-quatrième capable de
prouesses physiques hors du commun et répondant à la douce dénomination
de La Bête faisait évidemment intervenir une interrogation surnaturelle
sur sa nature tranchant avec un potentiel cas uniquement médical. Le
fameux épilogue reliant l'univers de "Split" à celui de "Incassable"
avec l'apparition de David Dunn prononçant le dernier mot du
long-métrage, "Glass", laissait augurer une suite de grande ampleur
réunissant ces trois "super-héros" d'un genre nouveau dans un ultime
combat.
Dernier épisode logique de cette trilogie, "Glass" reprend là où on avait laissé nos héros et regroupe les deux thématiques des précédents films en une seule : la crédibilité du mythe du super-héros.
Débarrassé de l'omniprésence de Mr. Glass (logiquement interné pour ses crimes) sur ses agissements, David Dunn a trouvé sa propre voie de super-vigilante, Le Superviseur, en arrêtant les petits malfrats de Philadelphie grâce à ses pouvoirs et l'aide de son fils (et Bruce Willis le fait bien mieux que dans "Death Wish", rassurez-vous). Dans ce premier acte qui va le voir se confronter à La Horde, ces êtres dotés de super-pouvoirs assument pleinement leurs destinées mais en restant dans l'ombre d'un monde qui les ignore encore, du moins, n'ayant pas totalement conscience de leur étrangeté. Seule une psychiatre (Sarah Paulson) spécialisée dans les troubles de la mythomanie et plus particulièrement sur les spécimens se prenant pour des super-héros vient soudainement se mettre en travers de leur route et parvient à enfermer David Dunn et La Horde aux côtés d'un Mr. Glass végétatif dans un asile afin de les guérir.
Démarre alors le second acte qui va amener à confronter le mythe super-héroïque à la réalité de son existence. En effet, la psychiatre va mettre en doute les capacités de ces trois personnages en les ramenant avec une vraie force de persuasion à une simple aberration médicale. Poussant de quelques crans encore plus loin la dimension méta de "Incassable", "Glass" fait de cette figure scientifique une espèce de chappe de plomb cherchant à freiner leur caractère super-héroïque pour le réduire à ce seul fantasme issu des pages de papier glacé que les trois patients se seraient appropriés. En poussant encore plus loin le sous-texte très malin de ce discours par sa portée multiple, on pourrait déceler chez ce personnage une volonté d'annihiler une nouvelle version de super-héros qui ne serait pas conforme aux codes du genre, c'est à dire tel que le courant mainstream des comics l'entend (coucou Marvel, DC & co qui vont en prendre plein la tête à partir de ce moment). Amenés carrément à douter de leurs propres raisons d'être, la vision offerte de David Dunn et Kevin Wendell Crumb par les deux premiers films en vient même à se fendiller dans leurs yeux et ceux du spectateur... jusqu'au réveil du fameux Bonhomme de Verre (ben oui, ça se fendille, il se ramène, logique).
M. Night Shyamalan avait débuté son aventure super-héroïque avec un sommet et il la conclut presque logiquement avec un autre. On pourra relever quelques petits défauts comme l'insertion hasardeuse des personnages connexes aux héros dans la première partie (le fils de David Dunn, l'héroïne de "Split" et la mère de Mr. Glass ont dû mal à trouver leurs places dans les grands enjeux qui se dessinent au commencement, ça ne dure heureusement qu'un temps et tous auront un rôle à jouer) mais comment ne pas jubiler devant ce qui ressemble à un final parfait aussi bien sur le schéma élaboré et enfin révélé de la trilogie que sur la destinée de chacun de ses protagonistes ? James McAvoy livre une fois de plus une performance hallucinante, explorant un peu plus la multiplicité des visages de Kevin et offrant les plus beaux instants d'émotion du film lors de ses retrouvailles avec le personnage d'Anya Taylor-Joy. Bruce Willis renoue avec un jeu intériorisé qui n'est plus synonyme de somnanbulisme et renfile son plus bel imperméable pour son rôle de super-héros à l'image christique en plein doute (aaah cette scène de la porte !). Et Samuel L. Jackson bien entendu, plus retors et intelligent que jamais dans son habit de Mr. Glass pour mener ses projets machiavéliques à bien. Comment ne pas saluer le conteur M. Night Shyamalan revenu en pleine possession de ses moyens aussi bien sur le fond que sur la forme pour mener à terme son histoire ? Comment ne pas saliver devant un film qui repousse les limites de la vision méta sur la définition même du super-héros dans des proportions démentielles en multipliant les degrés de lecture ?
Et, enfin, comment ne pas prendre tout simplement son pied devant un film de super-héros tellement différent qu'il en fait le cœur de son sujet ? Personnellement, on ne voit pas, mais alors pas du tout.
Dernier épisode logique de cette trilogie, "Glass" reprend là où on avait laissé nos héros et regroupe les deux thématiques des précédents films en une seule : la crédibilité du mythe du super-héros.
Débarrassé de l'omniprésence de Mr. Glass (logiquement interné pour ses crimes) sur ses agissements, David Dunn a trouvé sa propre voie de super-vigilante, Le Superviseur, en arrêtant les petits malfrats de Philadelphie grâce à ses pouvoirs et l'aide de son fils (et Bruce Willis le fait bien mieux que dans "Death Wish", rassurez-vous). Dans ce premier acte qui va le voir se confronter à La Horde, ces êtres dotés de super-pouvoirs assument pleinement leurs destinées mais en restant dans l'ombre d'un monde qui les ignore encore, du moins, n'ayant pas totalement conscience de leur étrangeté. Seule une psychiatre (Sarah Paulson) spécialisée dans les troubles de la mythomanie et plus particulièrement sur les spécimens se prenant pour des super-héros vient soudainement se mettre en travers de leur route et parvient à enfermer David Dunn et La Horde aux côtés d'un Mr. Glass végétatif dans un asile afin de les guérir.
Démarre alors le second acte qui va amener à confronter le mythe super-héroïque à la réalité de son existence. En effet, la psychiatre va mettre en doute les capacités de ces trois personnages en les ramenant avec une vraie force de persuasion à une simple aberration médicale. Poussant de quelques crans encore plus loin la dimension méta de "Incassable", "Glass" fait de cette figure scientifique une espèce de chappe de plomb cherchant à freiner leur caractère super-héroïque pour le réduire à ce seul fantasme issu des pages de papier glacé que les trois patients se seraient appropriés. En poussant encore plus loin le sous-texte très malin de ce discours par sa portée multiple, on pourrait déceler chez ce personnage une volonté d'annihiler une nouvelle version de super-héros qui ne serait pas conforme aux codes du genre, c'est à dire tel que le courant mainstream des comics l'entend (coucou Marvel, DC & co qui vont en prendre plein la tête à partir de ce moment). Amenés carrément à douter de leurs propres raisons d'être, la vision offerte de David Dunn et Kevin Wendell Crumb par les deux premiers films en vient même à se fendiller dans leurs yeux et ceux du spectateur... jusqu'au réveil du fameux Bonhomme de Verre (ben oui, ça se fendille, il se ramène, logique).
M. Night Shyamalan avait débuté son aventure super-héroïque avec un sommet et il la conclut presque logiquement avec un autre. On pourra relever quelques petits défauts comme l'insertion hasardeuse des personnages connexes aux héros dans la première partie (le fils de David Dunn, l'héroïne de "Split" et la mère de Mr. Glass ont dû mal à trouver leurs places dans les grands enjeux qui se dessinent au commencement, ça ne dure heureusement qu'un temps et tous auront un rôle à jouer) mais comment ne pas jubiler devant ce qui ressemble à un final parfait aussi bien sur le schéma élaboré et enfin révélé de la trilogie que sur la destinée de chacun de ses protagonistes ? James McAvoy livre une fois de plus une performance hallucinante, explorant un peu plus la multiplicité des visages de Kevin et offrant les plus beaux instants d'émotion du film lors de ses retrouvailles avec le personnage d'Anya Taylor-Joy. Bruce Willis renoue avec un jeu intériorisé qui n'est plus synonyme de somnanbulisme et renfile son plus bel imperméable pour son rôle de super-héros à l'image christique en plein doute (aaah cette scène de la porte !). Et Samuel L. Jackson bien entendu, plus retors et intelligent que jamais dans son habit de Mr. Glass pour mener ses projets machiavéliques à bien. Comment ne pas saluer le conteur M. Night Shyamalan revenu en pleine possession de ses moyens aussi bien sur le fond que sur la forme pour mener à terme son histoire ? Comment ne pas saliver devant un film qui repousse les limites de la vision méta sur la définition même du super-héros dans des proportions démentielles en multipliant les degrés de lecture ?
Et, enfin, comment ne pas prendre tout simplement son pied devant un film de super-héros tellement différent qu'il en fait le cœur de son sujet ? Personnellement, on ne voit pas, mais alors pas du tout.