Article de Frédéric SERBOURCE
On
y est ! Fâché tout violet, Thanos déboule enfin sur Terre pour
récupérer ses précieuses Pierres de l'Infini désormais éparpillées dans
les dix-huit films du MCU !
Pour en arriver là, il aura fallu dix ans, dix longues années pour que Marvel réussisse
l'improbable en recréant l'univers partagé de tous ses super-héros des
pages de comics sur grand écran avec un succès toujours plus
grandissant. À la suite du pionnier "Iron Man" et de sa fameuse scène
post-générique, première d'une longue série, où Nick Fury initiait le
projet "Avengers", viendront Hulk, Thor, Captain America, les Gardiens
de la Galaxie, Ant-Man, Docteur Strange, un nouveau Spider-Man, Black
Panther et, évidemment, tous leurs nombreux petits copains et sidekicks
n'ayant pas eu (encore) droit à leur propre film solo. Mais pendant
qu'ils vivaient leurs propres aventures en s'entrecroisant voire, pour
certains, en se réunissant de plus en plus souvent, une sombre menace
planait au-dessus de leurs têtes.
Apparu au détour du
générique du premier "Avengers", Thanos, le Titan fou, super-vilain
emblématique, commençait sérieusement à en avoir marre d'observer des
Terriens aux super-pouvoirs jouer avec les Pierres de l'Infini qu'il préférait voir incruster sur son Gant du même nom pour assouvir sa soif
de destruction.
Ne sortant que rarement de l'ombre
(hormis son autre courte apparition à la fin d'"Avengers 2", il n'aura
eu droit qu'à un petit rôle dans "Les Gardiens de Galaxie" permettant
d'asseoir la puissance de sa présence), il était destiné à venir semer
le chaos dans "Infinity War" afin de redonner ses lettres de noblesse au
titre de super-vilain en chef souvent considéré comme une des grosses
faiblesses du MCU et, surtout, être le parfait antagoniste de ce feu
d'artifice final -qui se prolongera avec "Avengers 4"- à la hauteur de
la plus grande réunion de super-héros jamais vue au cinéma où toutes les
franchises établies jusqu'à alors n'en feraient plus qu'une.
En
plus de tout cela, "Infinity War" en lui-même avait aussi la dure
mission de se placer clairement quelques crans au-dessus d'un "Avengers
2" boursouflé dans sa construction et d'une "Civil War" clivante, autant
dire que la tâche était rude et que le film était plus qu'attendu au
tournant...
Rassurez-vous, le pari est amplement
réussi et devrait impressionner l'ensemble des aficionados du MCU par sa
qualité. Les frères Russo semblent avoir pris conscience des erreurs de
leurs précédentes expériences et profite de ce rendez-vous majeur pour
livrer leur meilleur film et, accrochez-vous, peut-être bien le meilleur
film du MCU. Ouais, rien que ça !
Évidemment, passé
l'émerveillement forcément un peu naïf des amateurs de comics (dont
l'auteur de ces lignes fait partie tout en essayant de rester un poil
objectif... et ce n'est pas facile) de découvrir cette myriade de
personnages enfin rassemblés dans un seul long-métrage, il fallait
encore pouvoir assurer la gestion de leur nombre impressionnant et
parvenir à fusionner leurs univers.On a souvent
reproché aux films du MCU de sortir tout droit du même moule en matière
de structure scénaristique, ce n'est pas totalement faux, il faut bien
le reconnaître, mais il est aussi vrai que chaque super-héros évolue bel
et bien dans un univers différent de son voisin, souvent influencé par
un genre cinématographique bien précis (le film de guerre et le thriller
d'espionnage pour Captain America, le teen-movie pour Spider-Man, le
space-opera pour Les Gardiens de la Galaxie, etc), par leur capacité
unique (le mysticisme pour Docteur Strange, la mythologie nordique pour
Thor, etc) ou par différentes tonalités (l'humour omniprésent chez
certains notamment). Les précédents "Avengers" ont démontré que leur
principale force était de tirer le meilleur des interactions des
personnages les plus emblématiques en jouant sur l'opposition de
caractères de certains amenée toujours à disparaître quand la notion
d'équipe devient obligatoire face à une menace ou, dans le cas plus
spécifique de "Civil War", lorsque le contexte les pousse à la
dissension et à s'affronter. Mais, jamais encore, les univers propres à
chacun ne s'étaient réellement rencontrés pour en devenir un seul et
unique.
Ici, tous les codes habituels volent en
éclats (oui, même ce fameux moule scénaristique cité plus haut !) par le
simple fait que le film est totalement régi par les agissements de
Thanos et de ses sbires ! Le Titan et sa horde (excellent Ordre Noir
dont on aurait peut-être encore aimé en voir/savoir plus, surtout le
génial Ebony Maw) viennent ici faire leur marché de Gemmes en
s'introduisant, bousculant et détruisant les sphères dans lesquels
évolue chaque héros qui n'ont plus d'autres choix que d'interagir
ensemble dans une communion de tous leurs environnements.
Et
ça marche ! Tous les univers s'emboitent presque logiquement l'un dans
l'autre dans un tout parfaitement cohérent pour offrir à chaque héros,
jusqu'au plus petit second rôle (vraiment, ils sont tous en lumière à un
moment ou à un autre, c'est très fort), son moment de gloire épique
dans cette bataille presque perdu d'avance face à la puissance de
l'ennemi. En ce sens, avec cette seule maestria de jumelage de toutes
les franchises du MCU et de cohésion de ses héros, "Infinity War" se
place déjà nettement au-dessus de tous les autres rassemblements des
Avengers.
Mais
ce qui met la barre de "Infinity War" encore un peu plus haut par
rapport à tous ses confrères, c'est bien entendu Thanos. Complètement à
la hauteur de son teasing de près d'une décennie, le Titan renvoie tous
les autres super-vilains du MCU dans les
cordes de leurs faiblesses (même les plus charismatiques de son
histoire comme Loki, Red Skull ou Ronan apparaissent sacrément pâlots à
côté). Son intelligence, ses motivations aussi folles que louables de
son point de vue, son plaisir de sociopathe à mettre d'abord ses ennemis
à terre par l'esprit, sa sensibilité inattendue, sa puissance
exponentielle grâce aux Pierres de l'Infini et le charisme de Josh
Brolin derrière ses traits en font LE plus grand antagoniste du MCU et,
osons le dire, un des plus passionnants qu'on ait vu au cinéma depuis un
moment tous genres confondus. Thanos est véritablement la clé de voûte
en action de "Infinity War", obligeant la plupart des super-héros à agir
presque par désespoir en réaction face à ses agissements, rarement un
super-vilain ne se sera imposé autant de tout son poids par l'écriture
sur les événements d'un film de ce genre jusqu'à en vampiriser toute
l'ossature scénaristique.
Dernier gros bon point de
la réussite de ce troisième "Avengers" : tout le monde peut y passer et
tout peut y arriver ! Complètement conscients que le MCU est à un
tournant de son existence, les frères Russo s'en donnent à cœur joie
avec des scènes d'affrontements spectaculaires (de ce côté, on se régale
sans cesse, de New York jusqu'aux sommets au Wakanda ou sur Titan) et y
mêlent une donnée qui était jusqu'à alors assez rare chez Marvel :
l'émotion. Les incertitudes sur le sort autour de tous les personnages
leur offre une opportunité en or dont ils saisissent la pleine mesure
pour enfin nous surprendre et épouser complètement la conduite de ce
récit conduit par l'ennemi. Jamais les enjeux n'auront été aussi élevés
dans le MCU, jamais un film de la marque n'aura été aussi imprévisible,
jamais une dernière partie n'aura a été aussi folle et épique pour nous
laisser sur un cliffhanger à l'ampleur inattendue nous faisant déjà
saliver sur le prochain volet.
Finissons par les
quelques défauts, rien qui ne vienne vraiment gâcher la fête mais, dès
lors que le film passe en phase explicative entre deux scènes d'action,
force est de constater qu'il perd en percussion avec une tendance à trop
s'épancher en bavardages, le tout est heureusement contrebalancé par
une bonne dose d'humour (pas mal de vannes restent en mémoire et la
tournure dramatique des évènements permet d'éviter de la lourdinguerie à
la "Ragnarok") qui permet de faire illusion.
Visuellement,
les frères Russo sont à un autre niveau et impressionnent par leur
manière d'iconiser certains plans lors de scènes de combat mais ils ont
aussi tendance à les écourter bizarrement alors qu'on en veut à chaque
fois plus (tout le monde réclamait plus de Thor dans la dernière partie,
non ?) comme s'ils avaient à chaque fois peur d'en faire trop de ce
côté. Mais non, les frérots, mais non, on vous assure !
Ceci
étant dit, "Infinity War" est clairement digne du sommet attendu des
dix ans du MCU. Même sa scène post-générique est au diapason de sa
réussite. La plus grande réunion de héros Marvel par le nombre et la
qualité. Incontestablement. Vivement l'année prochaine !
-