Article de Wilfrid RENAUD
Le film est sorti en janvier 2015 mais à la base INTO THE WOODS est une comédie musicale de Stephen Sondheim et James Lapine. La première a lieu à San Diego, au Old Globe Theatre, le 4 décembre 1986. Elle débute à Broadway le 5 novembre 1987. Into the Woods a remporté plusieurs Tony Awards, dont celui de la meilleure partition originale, du meilleur livret et de la meilleure actrice dans une comédie musicale (Joanna Gleason), dans une année dominée par Le Fantôme de l'Opéra.
Décors de la comédie musicale sur les planches |
Ce conte fantastique a la particularité de regrouper plusieurs histoires des frères Grimm : le petit chaperon rouge, Jack et le haricots magique, Cendrillon et Raiponce pour former un tout qui emmène ailleurs et au delà des contes déjà existants. Malgré un ton léger au départ, l'histoire est plus noire qu'il n'y paraît puisque la mort sera au rendez-vous pour certains personnages et le final parlera de solidarité et de la volonté de se relever malgré la tristesse d'avoir perdu des êtres chers.
L'histoire débute par le boulanger du village et sa femme qu'une sorcière vient rendre visite pour leur annoncer une triste nouvelle. Suite à une malédiction jetée sur son père alors qu'il n'était qu'un enfant, il est impossible pour le boulanger d'avoir un enfant. La seule façon pour lui et sa femme d'en avoir un, serait de ramener à la sorcière toute une liste de choses qu'elle leur demande ; une vache blanche comme le lait (la vache de Jack), un soulier d'or (le soulier de Cendrillon), une cape rouge comme le sang (celle du petit chaperon rouge) et des cheveux blonds (ceux de Raiponce). Si la sorcière demande toutes ces choses, c'est qu'elle a en tête de concocter une potion lui permettant de retrouver beauté et jeunesse. Une mission peu évidente, d'autant que la sorcière enferme Raiponce, qui n'est autre que la sœur du boulanger, dans sa tour depuis son enfance.
Chaque personnage a un rêve. Cendrillon veut aller au bal, Raiponce veut quitter sa tour, le Petit Chaperon rouge veut voir sa grand-mère, Jack veut garder sa vache et découvrir le monde et le boulanger veut un enfant. Le souhait du boulanger met en péril les souhaits des autres personnages de l'histoire.
Le casting de tête est dominé par Meryl Streep dans le rôle de la sorcière, grande actrice, elle a su démontrer qu'elle savait aussi chanter lors de la comédie musicale "Mamma Mia". Ici, l'exercice est plus ardu et son interprétation, si elle est parfois limite au niveau du chant, est palliée par son jeu toujours juste.
La surprise vient surtout du couple adepte des fours et de la farine, James Corden quasi inconnu du grand public et surtout Emily Blunt dans le rôle de sa femme. L'actrice anglaise s'y révèle parfaitement à l'aise et démontre que la future Mary Poppins, dans une suite prévue l'an prochain, a encore de quoi nous étonner.
L'univers musical semble avoir été écrit pour les studios Disney avec ses chansons "old school" dont certains airs trottent rapidement dans la tête " I wish", "Hello little girl", "Agony" s'il n'y avait pas cette noirceur sous-jacente dans le dernier quart du film.
Rob Marshall, réalisateur de Chicago et Nine deux autres comédies musicales, a su rendre l'ambiance dans les bois anxiogène, tout en apportant parfois une touche d'humour et de surréalisme.
Pour "Hello little girl", il retrouve le temps d'une séquence Johnny Depp qui incarne un loup inquiétant et s'amende avec ce passage quasi-culte, de la déconfiture du 4è volet des pirates des caraïbes où il avait dirigé l'acteur.
La bonne idée, déjà présente dans la comédie musicale des 80's, est d'avoir fait des deux enfants, le petit chaperon rouge et Jack, d'immondes têtes à claques, dont l'insolence de la première rivalise avec avec l'idiotie du second. Et à ce jeu Lila Crawford et Daniel Huttlestone se disputent la première place sur le podium.
Dans le rôle des deux égéries Cendrillon et Raiponce, ça ne brille guère en revanche. Anna Kendrick en souillon qui rêve d'aller au bal chante plutôt bien mais manque de charisme, MackEnzie Mauzy, a de son coté un joli minois mais est trop transparente face à la présence de Meryl Streep la sorcière qui entretient avec elle une relation de mère castratrice.
Bonne pioche en revanche du coté des princes charmants, les interprétations très second degré de Chris Pine et Billy Magnusen trouvent leur point d'orgue avec la chanson "Agony" où les deux amoureux rivalisent de ringardise pour parler de leurs fiancées respectives qui provoquent l'agonie de leurs âmes.
En utilisant des contes déjà existants et en nous épargnant grâce à des ellipses certains passages que le public connait déjà (le bal de Cendrillon, Jack dérobant les trésors aux géants dans le ciel), Into the woods s'inscrit dans les comédies musicales les plus originales et les plus réussies de ces dernières années. Injustement boudé par le public, peut-être mal compris également, il est temps pour celles et ceux qui aiment ce genre de redécouvrir cette petite perle, plus réussie que la version hollywoodienne des Misérables.
Et comme des extraits valent mieux que des longs discours quelques vidéos ci-dessous :