Article de Wilfrid RENAUD
Le nouveau Ben Stiller a débuté l’année 2014 en beauté. Et dans la catégorie galette des rois, il a tiré la fève le premier, avec un certain panache et une belle surprise pour les spectateurs.
En tant que réalisateur, Stiller en est à son 5ème film, mais nous sommes désormais loin des pantalonnades et du 3ème degré de « Disjoncté », « Zoolander » ou « Tonnerre sous les tropiques ».
Assagi, Ben Stiller ? Pas vraiment. « La vie rêvée de Walter Mitty » mélange, mais d’une manière très maîtrisée, différents genres cinématographiques dans une histoire dont les origines datent de 1939.
Une nouvelle écrite par James Thurber (une poignée de pages seulement), une première adaptation en 1947, une comédie produite par la MGM, deux œuvres qui ont élevé Walter Mitty dans la culture populaire, avec pour devise celle de vivre ses rêves.
Avant de connaître la version actuelle, le projet a eu des allures d’arlésienne passant de studio en studio, de comédiens envisagés pour le rôle et finalement mis de coté, de metteurs en scène en conflit avec leur propre emploi du temps. Ce projet a été aussi retravaillé par différents scénaristes avant que la version de Steven Conrad, ne retienne l’attention de Ben Stiller qui avait refusé le rôle en 2005. « A cette époque, le script était une mise à jour du premier film et forcément, cela ne pouvait être que moins bien. »
En France, l’histoire n’est connue que par quelques spécialistes, adeptes de la littérature américaine et du cinéma d’après-guerre à Hollywood, alors qu’en est-il de cette version 2014 ?
Walter Mitty est employé au service des diapos du magazine des grands reportages Life. Son existence se limite à son appartement, son sous-sol au sein de la société, sa famille (Shirley Mc Laine dans le rôle de la mère d’une sobriété lumineuse qui crève l’écran) et le béguin pour une collègue de travail Cheryl (Kristen Wiig, resplendissante).
Ben Stiller & Kristen Wigg |
Walter Mitty a un petit « toc » : il se déconnecte parfois. Son esprit s’évade et il rêve d’aventures rocambolesques où il sauve l’animal de compagnie de Cheryl et se fritte avec son nouveau patron dans les rues de New-York, façon Matrix.
Adam Scott |
Ce patron, Hendricks (Adam Scott excellent) jeune con fraîchement débarqué au sein de Life, a la tâche de faire paraître le dernier numéro papier, le magazine passant au tout numérique.
La dernière couverture doit être une des photos prises par le grand « photographe-aventurier-ins
Seul hic, le négatif N°25 qui doit symboliser la quintessence de Life Magazine, n’est pas sur les tirages envoyés par O’Connell.
Pressé par son patron et sa conscience professionnelle à conclure le dernier numéro, Walter Mitty va partir sur les traces d’O’Connell, dans un périple qui le mènera du Groéland à l’Himalaya en passant par l’Islande et l’Afghanistan.
C’est sans doute là que puise sa force le film. Le personnage qu’incarne brillamment Ben Stiller, va se révéler d’une ténacité sans nom pour retrouver cet ami qui l’estime dans son travail et qu’il n’a pourtant jamais rencontré. Au fil de ses périples, son toc va disparaître, pour laisser la place à une personnalité décomplexée mais toujours généreuse.
L’acteur a aussi donné physiquement de sa personne dans des séquences en milieux réels (Dans l’océan Atlantique jusqu’au cou pour les besoins de plusieurs plans, ceux sur le skate-board serpentant sur une route en Islande, l’affrontement avec Adam Scott dans les rues de New-York harnaché de câbles de haute voltige)
Jamais Ben Stiller n’aura interprété un personnage avec autant de candeur et d’intelligence à la fois. Son potentiel comique est toujours intact mais différent, loin des extrêmes et des artifices qui ont fait sa gloire et sa renommée. (Ex : le dirigeant de Globogym dans Dodgeball)
Ben Stiller dans le film Dodgeball (2004) |
Jim Carrey a eu son « Truman show », Ben Stiller a sa “Walter Mitty song” , avec de surcroît une réalisation maitrisée et inspirée qui assoit plus que jamais son statut d’auteur-metteur en scène, même s’il s’agit d’adaptation dans le cas présent.
La musique et les chansons subliment les moments-clé du film et les magnifiques paysages d’Islande. Oui la bande originale câline l'oreille interne du spectateur.
Le scénario rend aussi hommage au magazine Life. Ce magazine américain aux couvertures emblématiques des grands événements historiques, créé en 1883, a existé jusqu'en 2009 et était le premier magazine de photojournalisme. Depuis l'arrêt de la publication papier, il existe toujours sous la forme d'un site Internet.
Joli cadeau de début d'année |
Et en lien direct avec cet hommage, l’épilogue du film se termine par une image inoubliable, où sans dévoiler la quintessence de la fameuse photo manquante, La vie rêvée de Walter Mitty, nous touchera le cœur par la simplicité et la générosité de son propos.